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bronze, qui se comptent par centaines, sont tout au plus tiers de nature. Je me souviens d’avoir lu quelque part qu’ils étaient au nombre de cinq cents, et tous aussi farauds que le modèle réel. Une telle collection suffirait à fondre l’artillerie d’un vaisseau de ligne, et l’homme d’esprit qui a commis cette bévue s’est laissé emporter trop loin par sa fantaisie. Au reste, cette méprise en compense une autre qui n’a jamais été relevée. L’écrivain ingénieux et morose qui se plaignait avec amertume de la camaraderie littéraire faisait des médaillons de David des portraits de poche. Or tous ceux qui les ont vus savent qu’ils trouveraient difficilement place même dans la poche d’un gilet de l’ancienne cour. La vérité se trouve entre ces deux exagérations. A proprement parler, ces médaillons ne sont que des esquisses; mais les traits caractéristiques de chaque physionomie sont aussi vivement, aussi fidèlement rendus que dans une œuvre de longue haleine. Modelés en cire ou en terre, le plus souvent dans l’espace de trois ou quatre heures, la rapidité du travail n’y a laissé aucune trace. Les détails sont négligés, et la prestesse de l’exécution n’enlève rien à l’harmonie du visage. Sous le rapport de l’expression, ils peuvent se comparer aux meilleurs bustes de l’auteur, et par bonheur ils n’ont rien à démêler avec la phrénologie. Dans cette galerie familière, tout est fait d’après nature, rien n’est livré au caprice, rien n’est altéré par les données mal comprises d’une science nouvelle. La laideur même est respectée, mais sous la main de David elle s’éclaire du rayonnement de l’intelligence et ne blesse plus les yeux. Presque tous les modèles ont posé; aussi ces portraits peuvent-ils être consultés en toute sécurité. Quelques médaillons pourtant sont exécutés d’après des dessins ou des miniatures; je citerai ceux de Kléber, du général Bonaparte, d’après Guérin de Strasbourg, admirables tous deux, celui de Byron, d’après un croquis de Lawrence, qui n’est pas aussi bien venu. Chose digne de remarque, dans cette série si nombreuse on compte à peine quelques noms de femmes, et les portraits féminins laissent beaucoup à désirer. David avait besoin de plans vivement accentués pour travailler à son aise. L’élégance et la grâce ne trouvaient dans son ébauchoir qu’un interprète infidèle. Ses études habituelles expliquent facilement cette lacune de son talent. Comme il s’adressait de préférence aux noms populaires pour établir la popularité de son nom, il avait dû négliger le masque féminin, et quand il a voulu s’en occuper, il n’a pas fait tout ce qu’on pouvait attendre de son habileté. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, je crois même qu’il n’était pas malaisé de le prévoir. Quant à ses autres médaillons, ils seront toujours estimés comme des esquisses hardies, comme des souvenirs précieux, car ils expriment aussi nettement les habitudes de