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d’une voix souvent différente de la leur, ils prononcent des paroles qui leur sont inspirées ou qui sont mises directement dans leur bouche. Cette passivité a été notée chez les convulsionnaires. Plusieurs parlaient comme si les lèvres, la langue, tous les organes de la prononciation eussent été remués et mis en action par une force étrangère ; dans l’abondance de leur éloquence, il leur semblait qu’ils débitaient des idées qui ne leur appartenaient aucunement, et dont ils n’acquéraient la connaissance qu’au moment où leurs oreilles étaient frappées par le son des mots. Ils articulaient d’une manière forcée la plus grande partie de leurs discours, de façon qu’ils sentaient une puissance supérieure remuer leur bouche et former leurs paroles, sans que leur volonté eût besoin d’y contribuer. Ils écoutaient eux-mêmes comme faisaient les assistans. Il en était ainsi parmi les camisards. Une de leurs prophétesses disait, et ce qu’elle déclarait s’appliquait à des milliers d’autres : « Je sens que l’esprit divin forme dans ma bouche les paroles qu’il me veut faire prononcer. Il y a des fois que le premier mot qui me reste à prononcer est déjà formé dans mon idée ; mais assez souvent j’ignore comment finira le mot que l’esprit m’a déjà fait commencer. C’est à l’ange de Dieu que j’abandonne entièrement, dans mes extases, le gouvernement de la langue. Je sais que c’est un pouvoir étranger et supérieur qui me fait parler. Je ne médite point ni ne connais point par avance les choses que je dois dire moi-même. Pendant que je parle, mon esprit fait attention à ce que ma bouche prononce, comme si c’était un discours récité par un autre. »

Les mediums de nos jours écrivent des volumes entiers. On a recueilli de même des volumes de prédications chez les camisards. Certains, parmi les prophètes cévenols, prononçaient parfois jusqu’à sept improvisations par jour. On a un recueil des discours d’un d’entre eux ; les idées mystiques y pullulent à l’exclusion de toutes les autres, et la personnalité de l’orateur y est constamment oubliée.

Les musiques miraculeuses qui retentissent en Amérique sans musiciens et sans instrumens ont eu leurs précédens dans les Cévennes. Des chants de psaumes ont été entendus en beaucoup d’endroits par les camisards comme venant du haut des airs. Cette divine mélodie a éclaté en plein jour et en présence de beaucoup de personnes, dans des lieux écartés des maisons, où il n’y avait ni bois ni creux de rochers, et où, en un mot, il était absolument impossible que quelqu’un fût caché. Les voix célestes étaient si belles que les voix des paysans cévenols n’étaient assurément pas capables de former un pareil concert. À la vérité, on ajoute que, par une permission céleste, ceux qui accouraient pour entendre n’entendaient