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était emmaillotté dans le berceau ; il parlait distinctement, d’une voix assez haute vu son âge, en sorte qu’il était aisé de l’entendre par toute la chambre ; il exhortait, comme les autres, à faire des œuvres de repentance. Là ne s’arrêtaient pas les phénomènes ; à cette exaltation prophétique se joignit une faculté singulière, celle de voir ou d’entendre à des distances où la vue et l’ouïe ordinaires ne s’exercent plus. De la sorte la prophétie se manifestait et par les discours mystiques qui coulaient d’une multitude de bouches inspirées, et par les œuvres qui venaient en appui aux discours. Néanmoins il faut remarquer que ces merveilles, qui remuaient si profondément les protestans, qui les assuraient dans leurs misères, qui les animaient dans leurs résistances, passaient comme non avenues aux yeux de leurs adversaires, qui, suivant l’expression du poète, avaient des yeux pour ne pas voir, et des oreilles pour ne pas entendre.

La même incrédulité, au milieu de phénomènes non moins extraordinaires, accueillit les jansénistes quand ils devinrent convulsionnaires sur le tombeau du diacre Paris. Et pourtant là aussi les merveilles ne manquèrent pas. Un personnage de la cour, fort opposé à la cause des jansénistes, se trouva dans une maison où on l’avait invité à dîner avec une grande compagnie. Tout à coup il se sentit forcé, par une puissance invisible, de tourner sur un pied avec une vitesse prodigieuse, ne pouvant se retenir, ce qui dura plus d’une heure sans un seul instant de relâche. Notez qu’il faisait jusqu’à soixante tours par minute. Les convulsionnaires avaient, comme les camisards, le don de la parole inspirée, improvisant sur les choses qui se rapportent aux matières religieuses. Les protestans des Cévennes annonçaient l’abolition prochaine du papisme ; les jansénistes de Saint-Médard déclamaient contre la perversion du clergé et de la cour de Rome. L’effet ordinaire de la convulsion était de donner à l’âme plus de lumière et d’activité, et de communiquer aux esprits les plus humbles et les plus vulgaires une élévation et une abondance qui faisaient taire les hommes les plus confians en eux-mêmes. Ce n’était pas tout, et le tombeau du diacre Paris se signalait par une vertu spécifique merveilleuse : il communiquait une sorte d’invulnérabilité à ceux qui recevaient son influence souveraine. Ni les distensions ou les pressions à l’aide d’hommes vigoureux, ni les supplices de l’estrapade, ni les coups portés avec des barres ou des instrumens lourds et contondans, n’étaient capables de léser, de meurtrir, d’estropier les victimes volontaires. Les muscles de femmes faibles résistaient à ces tractions puissantes, leurs chairs supportaient ces contusions énormes, afin que personne ne doutât qu’il était