Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/820

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

distance de l’Erèbe s’élevait le cône presque aussi élevé d’un autre volcan éteint ou du moins endormi, qui reçut le nom du second vaisseau, la Terreur. Ces noms semblent bien donnés à ces deux montagnes voisines, dont les éruptions seules avaient troublé et troublaient encore les solitudes polaires ; ils rendent à la fois le sentiment qui s’attache à ces régions désolées, et perpétuent le souvenir de l’expédition qui avait osé s’aventurer dans des lieux où aucun homme n’avait encore pénétré.

C’est peut-être ici le lieu de remarquer qu’on rencontre dans la zone antarctique beaucoup plus de traces d’activité volcanique que dans la zone boréale ; on ne trouve dans celle-ci, au-delà du cercle polaire, que la petite île volcanique de Jan-Mayen, située au nord de l’Islande. Avant d’arriver au puissant mont Érèbe, situé au milieu des glaces du 76e degré de latitude, Ross avait déjà trouvé des traces d’éruptions dans les îles Auckland, les îles Campbell, dans la terre Victoria ; dans la petite île Possession, où il aborda en face de cette côte montueuse, il avait vu le sol formé de conglomérat trachytique, de basalte et de lave. Wilkes avait aussi aperçu des débris de basalte dans une montagne de glace échouée en face de son continent antarctique. L’île Astrolabe, découverte par Dumont d’Urville, près de la terre Louis-Philippe, a un cratère annulaire tout à fait pareil à celui de Santorin, l’île Déception présente la même forme, et on y a trouvé des couches superposées de cendres et de neige convertie en glace, qui alternent à plusieurs reprises. Cette observation remarquable prouve avec quelle rapidité les cendres volcaniques se refroidissent dans les hauteurs glacées de l’atmosphère des régions polaires, puisqu’elles n’ont point fondu la neige sur laquelle elles tombaient. On en a un autre exemple dans le cône même du mont Erèbe, qui reste recouvert de neige jusqu’au bord de son cratère. Tous les îlots qui forment une chaîne parallèle à la terre Louis-Philippe sont cratériformes. Dans l’île Déception, il s’échappe encore du gaz par plus de cent cinquante ouvertures, et des sources d’eau chaude y sortant de la neige vont se verser dans une mer toujours glacée. Enfin, dans les Shetlands du sud, on trouve le petit volcan Bridgeman, complètement isolé dans la mer, élevé de 160 mètres seulement et encore fumant.

Après la découverte du mont Érèbe et du mont Terreur, Ross ne put franchir la haute barrière de glaces qui l’empêchait d’examiner si ces volcans faisaient partie d’une île, ou s’élevaient sur la côte d’une terre continentale. La falaise de glace ne reposait pas sur la terre, car on ne pouvait trouver le fond de la mer à 410 brasses ; cette masse immense et compacte était ainsi seulement attachée à la terre par un de ses côtés ; elle s’élevait à une hauteur de 60 mètres environ et