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jusqu’à la latitude de 74° 15’, et ne revint sur ses pas que parce que la saison était trop avancée ; il déclara à son retour qu’il lui paraissait beaucoup plus aisé d’aborder le pôle sud que le pôle nord, sur lequel les célèbres expéditions de Parry et de Franklin attiraient à cette époque l’attention de l’Europe entière. Son récit exerça une sorte de réaction contre les idées du capitaine Cook ; mais elle ne fut que momentanée : il a été bien prouvé depuis que les glaces antarctiques sont loin d’avoir, dans leurs mouvemens et leurs migrations, la régularité de celles du nord, et les navigateurs qui ont voulu suivre la trace de Weddell ne l’ont jamais trouvée aussi dégagée. Les glaces australes ne circulent pas en effet dans des passages tout formés, pareils à ceux du grand labyrinthe arctique ou aux ouvertures que le gulfstream laisse libres entre le Groenland, l’Islande et la Laponie ; les glaces qui s’accumulent autour des terres antarctiques, une fois détachées, peuvent remonter vers les régions tempérées, librement et dans tous les sens, au gré de courans variables et nombreux, qui se dirigent vers le nord, le nord-est ou le nord-ouest. Ainsi d’une année à l’autre les glaces qui voyagent vers l’équateur peuvent s’accumuler en plus grande quantité en des régions assez différentes, et par un hasard il peut s’ouvrir entre elles un de ces chemins éphémères comme celui que Weddell avait suivi.

C’est aussi parce que les glaces antarctiques ne sont pas emprisonnées dans des détroits sinueux, et se meuvent avec une plus grande liberté que celles du nord, qu’on les rencontre voyageant à de beaucoup plus grandes distances dans les mers de la zone tempérée. Il n’y a rien d’extraordinaire à trouver de puissantes montagnes de glaces sous le 47e et le 46e degré de latitude, et au mois d’avril, en 1838, on en a aperçu une à la latitude de 35 degrés ; plusieurs navigateurs, entre autres le capitaine Basil Hall, ont eu accidentellement à lutter contre les glaces en tournant le cap Horn. Souvent on a pris de grands blocs errans pour de véritables îles : c’est ainsi que les deux îles Dénia et Marseveen, marquées sur d’anciennes cartes, n’existent réellement pas ; on peut en dire autant de l’Islande du sud, et Weddell lui-même s’assura qu’une pareille erreur avait fait placer près des îles Falkland les îles Aurores, aperçues en 1796 par l’Astravida, vaisseau de guerre espagnol.

En janvier 1831, Biscoë sur le brick Tula découvrit la terre d’Enderby, au sud de l’Océan-Indien, sous le méridien de 50 degrés, entre le 60e et le 70e cercle de latitude ; il reconnut aussi l’île Adélaïde, placée en avant de la terre de Graham, et deux ans après, la terre de Kemp, qui semble être le prolongement de celle d’Enderby. Enfin en 1839, Balleny découvrit cinq îles qui portent aujourd’hui son nom, et qui sont comme les sentinelles avancées des