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les chefs principaux de la Hunnie accompagna le jeune vainqueur jusqu’aux bords du Rhin, et de là à Aix-la-Chapelle, où Pépin devait retrouver son père.

L’entrée de Pépin dans Aix-la-Chapelle, ou plus exactement dans Aquisgranum, présenta comme une image des triomphes de cet ancien empire romain dont Charlemagne rêvait la résurrection avec tant d’ardeur. On vit défiler devant le triomphateur les étendards conquis, les dépouilles des chefs groupées en trophées, et dans une longue suite de chariots découverts le trésor des rois avars : des monceaux d’or et d’argent monnayé, des lingots, des pierreries de toute sorte, des tissus d’or, de soie, de pourpre, des vases précieux enlevés aux palais ou aux églises, et dont la richesse et la forme indiquaient s’ils provenaient des pillages de la Grèce, de l’Italie ou de la Gaule. Tudun et les nobles Avars, dans une attitude morne et humble à la fois, faisaient partie du cortège : on pouvait se demander si c’était comme captifs ou comme alliés. Tudun, s’agenouillant devant Charlemagne, lui prêta serment de fidélité suivant le cérémonial des Franks, et exprima le vœu de recevoir bientôt le baptême. Charles, en souverain puissant et magnifique, ne s’adjugea pas le trésor des Huns comme un butin. Après en avoir prélevé ce que les savans de sa cour appelaient sans doute « les dépouilles opimes, » pour en faire don aux autres souverains et aux églises, il distribua le reste avec une prodigalité toute royale à ses fidèles, clercs et laïques, sujets et vassaux.

Ses libéralités commencèrent par le pape. L’abbé Angilbert, qu’on désignait sous le nom d’Homère dans l’académie Caroline, et qui, après avoir épousé Berthe, une des filles du roi, l’avait quittée de son consentement pour se faire moine à l’abbaye de Saint-Riquier, fut chargé d’accompagner à Rome le trésor enlevé par Héric, et de le déposer sur le tombeau des saints apôtres. Parmi les rois d’Europe qui prirent part à ces riches gratifications figurait le roi de Mercie, Offa, à qui Charlemagne adressa une lettre contenant ces mots : « Nous avons envoyé aux grandes cités et aux métropoles une part du trésor des choses humaines que Jésus-Christ nous a accordées malgré nos démérites. À vous que nous aimons, nous avons voulu offrir un baudrier, un glaive hunnique et deux manteaux de soie. » On peut supposer que dans le nombre des églises honorées de la munificence du roi, celles-là eurent le premier rang qui, pillées jadis par Attila, pouvaient revendiquer de pareils cadeaux comme une restitution légitime. La cathédrale de Mayence reçut, à ce titre apparemment, des objets du plus grand prix, qu’on montrait encore, au XVIe siècle, dans son trésor épiscopal. « C’était, nous dit un écrivain, qui les vit alors et les admira, une croix d’or massif, nommée Benna, pesant douze cents marcs, et sur laquelle était inscrit un vers