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envahissante à chaque pas et pouvaient la décourager, et le Danube, qui les coupait presque toutes par le milieu, permettait à leurs défenseurs d’accourir ou de faire retraite d’une rive à l’autre.

Cette guerre avec le peuple d’Attila prenait aux yeux de Charlemagne un caractère essentiellement religieux, où dominait le souvenir du passé et comme une idée de revanche contre le fléau de Dieu. Il voulut y préparer son armée par des mortifications et des prières propres à appeler sur elle la protection spéciale du ciel. Des litanies, accompagnées d’un jeûne général, furent célébrées dans le camp des Franks, qui présenta pendant trois jours le spectacle anticipé d’un camp de croisés sous les murs de Jérusalem ou d’Antioche. Charles lui-même nous donne la description de la pieuse solennité dans une lettre qu’il adresse des bords de l’Ens à Fastrade, et dont voici quelques passages :

« Charles, par la grâce de Dieu, roi des Franks et des Lombards et patrice romain, à notre chère et très aimable épouse Fastrade reine.

« Nous t’envoyons par cette missive un salut affectueux dans le Seigneur, et par ta bouche nous adressons le même salut à nos très douces filles et à nos fidèles résidant près de toi. Nous avons voulu t’informer que, le Dieu miséricordieux aidant, nous sommes sain et sauf, et que nous avons reçu par un envoyé de notre cher fils Pépin des nouvelles, qui nous ont réjoui, de sa santé, de celle du seigneur l’Apostolique, et de nos frontières situées de ce côté, qui sont paisibles et sûres… Quant à nous, nous avons célébré les litanies pendant trois jours, à partir des noues de septembre, qui étaient le lundi, continuant le mardi et le mercredi, afin de prier la miséricorde de Dieu qu’elle nous concède paix, santé, victoire et heureux voyage, assistance, conseil et protection dans nos angoisses. Nos évêques ont ordonné une, abstinence générale de chair et de vin, excepté pour ceux qui ne la pourraient supporter pour causes d’infirmité, âge avancé ou trop grande jeunesse ; toutefois il a été établi qu’on pourrait se racheter de l’abstinence de vin pendant ces trois jours, les riches en payant un son par jour, les autres au moyen d’une aumône proportionnée à leurs facultés, ne serait-elle que d’un denier. Chaque évêque a dû dire sa messe particulière à moins d’empêchement de santé ; les clercs sachant la psalmodie avaient à chanter cinquante psaumes chacun, et pendant la procession des litanies ils devaient marcher sans chaussure. Telle fut la règle dressée par nos évêques, ratifiée par nous et exécutée avec l’assistance de Dieu. Délibère avec nos fidèles comment vous célébrerez aussi ces mêmes litanies. Tu feras, quant au jeûne, ce que ta faiblesse te permettra. Nous nous étonnons d’ailleurs de n’avoir reçu de toi, depuis notre départ de Ratisbonne, ni message ni lettre ; fasse donc que nous