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d’avoir diminué, se sera accru, et, répétons-le, l’importance parlementaire de plusieurs d’entre eux ne serait pas impunément dédaignée. En outre, le cabinet a déjà duré un an, et le temps, qui semblerait devoir être un auxiliaire pour les ministres, n’est bien souvent qu’une difficulté de plus. Ce qu’on ne demande pas à des hommes nouveaux, on peut l’exiger sans injustice d’hommes qui ont eu le loisir de mûrir leurs résolutions et de combiner leur plan de conduite. À cet égard aussi, la session qui commence n’aplanira pas les obstacles devant lord Palmerston. Questions financières, questions politiques, tout l’ensemble de ses mesures sera examiné de plus près : il est donc condamné, sous peine d’échouer, à déployer une supériorité marquée, une habileté incontestable. Il entre dans la phase critique des hommes d’état.

Ouant aux faits accomplis depuis la clôture du parlement, ils ne fournissent pas encore un terrain bien solide d’opposition contre lui. Au dedans, le calme a été maintenu sans efforts, malgré quelques luttes entre les maîtres et les ouvriers de certains districts manufacturiers sur l’éternelle question des salaires. Au dehors, des complications ont éclaté dans les rapports avec les États-Unis. Le démêlé n’a pas encore pris de grandes proportions, mais il exige beaucoup de tact et de souplesse de la part du gouvernement anglais. Il a pris sa source à la fois dans deux ordres de faits très différens. D’une part, les États-Unis se plaignent que le représentant de l’Angleterre dans l’Amérique du Nord ait violé leur neutralité en procédant à des enrôlemens pour recruter l’armée anglaise ; d’autre part, l’envoi de forces navales dans les eaux qui baignent les côtes de l’Amérique centrale a éveillé des susceptibilités qui ne demandent d’ailleurs qu’à faire du bruit. La première question a créé une situation difficile à M. Crampton, représentant du gouvernement britannique dans la république fédérale ; mais, s’il y a eu imprudence ou indiscrétion dans sa conduite, le gouvernement peut sans inconvénient ne pas élever jusqu’à lui la responsabilité encourue par cet agent. C’est là matière à examen et à discussion. La seconde question n’est pas non plus de celles qui ne puissent se vider que par la force. Les États-Unis sont d’autant moins en droit de trouver étranges les alarmes inspirées au gouvernement anglais par les tentatives des flibustiers américains pour s’emparer de ce qui ne leur appartient à aucun titre, que le gouvernement américain lui-même a eu à désavouer ces flibustiers et à sévir contre eux. Tout récemment il a refusé de recevoir le colonel French, qu’un des chefs de ces souverains improvisés dans les possessions d’autrui lui avait envoyé comme son représentant officiel. Il a de plus fait saisir dans le port de New-York un bateau à vapeur, le Northern Light, qui portait des renforts et des munitions à cette croisade de brigandage. Des faits païens et indéniables, la conduite même du gouvernement fédéral, justifient donc, sous ce point de vue, les mesures de précaution que l’amirauté anglaise a pu ordonner. Il est vrai qu’on attribue d’autres desseins au cabinet britannique : on l’accuse de vouloir se soustraire aux engagemens du traité conclu le d9 avril 1850, traité par lequel les deux pays s’étaient également interdit toute occupation de territoire, tout projet de colonisation ou de fortification dans le Nicaragua, Costa-Rica et le pays des Mosquitos. L’accusation est peu vraisemblable, et l’on croira