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comme modéré encore qu’il rentrait en Espagne en 1843, après une émigration de trois ans, et qu’il devenait bientôt sous-secrétaire d’état dans le ministère de M. Gonzalès Bravo. Il est progressiste aujourd’hui. Il y a donc eu chez lui en quelques années une singulière évolution d’opinions. Au fond, M. Escosura est un homme d’esprit et de ressource qui compte après tout peut-être plus d’anciens amis parmi les modérés que de nouveaux partisans parmi les progressistes. Il a un talent d’orateur remarquable, et sous ce rapport son accession n’est point sans importance pour le cabinet qui jusqu’ici n’a eu d’autre orateur que le général O’Donnell. En outre, depuis la dernière révolution, M. Escosura s’est montré dans les grandes circonstances attaché au principe monarchique. Il était notamment, il y a un an, l’un des signataires de la proposition qui garantissait le maintien du trône et de la dynastie d’Isabelle, et à ce point de vue encore son entrée au pouvoir peut ajouter à la force du ministère.

On voit donc que par le fait le dernier remaniement a contribué a raffermir le cabinet dans la voie conservatrice plutôt qu’à l’affaiblir ; mais la première condition est d’agir et d’avoir une politique nette. Déjà, assure-t-on, la fraction conservatrice du gouvernement a été obligée de céder sur une question des plus graves, celle de savoir devant quelle juridiction seraient traduits les coupables de la tentative du 7 janvier. O’Donnell inclinait pour la juridiction militaire, vu la nature de l’attentat commis par une force organisée sous les armes. Il a été décidé que les accusés seraient traduits devant les tribunaux ordinaires. Une chose est certaine, c’est que le général O’Donnell, dont la position grandit chaque jour, doit sentir la nécessité de prendre une résolution. Plus que jamais il est l’objet des attaques furieuses du parti démocratique, attaques personnelles ou attaques politiques. Le thème universellement développé par les oppositions, c’est de mettre en présence la révolution de Vicalvaro et la révolution du 18 juillet, c’est-à-dire, en un mot, O’Donnell et Espartero. Le général O’Donnell fait front jusqu’ici à ces attaques avec vigueur ; mais cela ne suffit pas, et le moment approche où la situation doit nécessairement se simplifier. S’il n’en est point ainsi, l’Espagne est menacée de glisser dans une succession de crises vulgaires, flottant sans cesse entre l’anarchie et le despotisme, jusqu’à ce qu’enfin quelque circonstance plus favorable la fasse entrer dans la large voie d’une politique libérale et conservatrice.

Le président des États-Unis vient de faire une espèce de coup d’état auquel personne n’était préparé, et dont le secret avait été gardé avec une rigueur extrêmement rare en Amérique, où la politique n’a jamais de longs mystères. Il a envoyé son message au congrès sans attendre que son organisation fut complète par l’élection du président de la chambre des représentans. C’est une résolution qui ne manque pas de gravité. M. Pierce en appelle pour ainsi dire à la nation par-dessus la tête d’une assemblée qui perd le temps à ballotter des noms propres, et qui laisse en souffiance les affaires du pays. C’est donc un acte assez hostile pour la chambre des représentans, qui l’a compris et y a répondu en refusant d’ouvrir ! e message. De son côté, le sénat, dont la situation est régulière, a entendu sans opposition la lecture de ce document, et a aussitôt adhéré, par l’organe des principaux orateurs des différens partis qui le divisent, à la politique du gouver-