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cipalement dirigé en effet, et dès-lors c’était une crise ministérielle qui se trouvait en germe dans ce conflit d’influences. La crise n’a été suspendue que par la convalescence d’O’Donnell et aussi par une scène imprévue, qui est venue jeter un jour singulier sur tout un autre côté de la situation de l’Espagne. C’est ni plus ni moins un 15 mai au petit pied qui a été tenté contre l’assemblée de Madrid le 7 janvier. Au moment où le congrès discutait une question de banques, une compagnie de la milice nationale chargée du service du palais législatif se mettait en pleine insurrection contre le congrès lui-même. Le prétexte était que l’assemblée avait récemment écarté par l’ordre du jour une pétition révolutionnaire venue de Saragosse, et les miliciens de Madrid voulaient, selon l’usage, faire respecter la volonté du peuple. C’était là le prétexte, disons-nous ; la conspiration était, assure-t-on, plus vaste et préméditée de plus longue date : elle avait pour but de recommencer la révolution en livrant l’Espagne à la domination démocratique. Quelque sérieuse qu’elle ait été par l’intention, cette tentative n’a eu d’autre effet que de montrer l’impuissance des passions révolutionnaires, elle n’a même pas eu un instant de succès ; elle a disparu comme une émeute de cabaret, et n’a servi qu’à révéler une fois de plus le travail incessant du parti démocratique.

Ce ridicule attentat a-t-il eu quelque influence sur la crise ministérielle ? Il a pu la précipiter sans doute en créant pour le gouvernement de nouveaux devoirs, celui par exemple de déterminer la juridiction devant laquelle seraient traduits les coupables, et en amenant ainsi de nouvelles occasions de scission ; mais la crise existait, on l’a vu, et elle n’attendait pour se dénouer que le rétablissement du général O’Donnell. Quant au résultat de l’attaque indirecte dirigée contre le ministre de la guerre par quelques-uns de ses collègues, il ne pouvait être douteux. Aussi, après une démission apparente donnée par le cabinet tout entier, sauf le président du conseil, les seuls ministres qui ne se soient pas sauvés du naufrage préparé par leurs efforts ont été MM. Fuente-Andrès, Huelves et Alonzo Martinez ; ils ont été remplacés par MM. Arias Uria, Patricio de la Escosura et Lujan. Maintenant quel est le caractère du cabinet ainsi reconstitué ? Le ministre de la justice, M. Arias Uria, est un homme de peu de signification, dont le choix n’a d’autre importance que celle d’être une réponse à la candidature persistante de M. José Olozaga, frère du ministre espagnol à Paris. M. Lujan est un esprit pratique et laborieux, qui a exercé déjà utilement le ministère des travaux publics qu’il reprend aujourd’hui, progressiste d’ailleurs des plus modérés. Le nouveau ministre de l’intérieur. M, Patricio de la Escosura, est évidemment le personnage le plus saillant que le dernier remaniement ministériel ait conduit au pouvoir. M. Escosura est un des hommes politiques les plus connus de l’Espagne. Il a été tout ce qu’on peut être, militaire, journaliste, écrivain dramatique ou romancier, chef politique, émigré, sous-secrétaire d’état, ministre de l’intérieur une première fois en 1847 avec M. Salamanca ; il était récemment ministre plénipotentiaire à Lisbonne. Avant tout et par-dessus tout, c’est une nature ardente, impétueuse et sympathique. M. Escosura a commencé par être modéré. C’est comme modéré qu’en 1840 à Guadalajara, où il était chef politique, il luttait au risque de la vie contre l’insurrection qui amena la régence du duc de la Victoire. C’est