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et M. de Brunow, ancien ministre du tsar à Londres, la France par M. le comte Walewski et M. de Bourqueney, le Piémont par M. d’Azeglio. Les représentans de la Turquie ne peuvent être encore connus. En attendant la réunion de ce congrès, le plus considérable qui ait été tenu depuis 1815, il parait devoir être signé à Vienne un simple protocole constatant l’adhésion des diverses puissances, ce qui s’explique peut-être par la nécessité où sont les alliés de déterminer d’un commun accord les conditions particulières qu’ils ont à produire, afin que, les préliminaires de paix une fois signés, rien ne puisse plus entraver l’œuvre de la conciliation générale. Le congrès lui-même, du reste, se réunira à Paris avant la fin de février. Mais ici s’élève une double question : dans quelle mesure le Piémont doit-il participer à l’œuvre du congrès ? La Prusse, d’un autre côté, sera-t-elle appelée à figurer dans les négociations ? En ce qui touche le Piémont, on a dit que les plénipotentiaires sardes signeraient le traité de paix sans avoir voix délibérative dans les négociations, ou du moins en ne prenant part qu’à celles qui toucheraient les intérêts de leur pays. Ce serait là une combinaison qu’il semblerait difficile de s’expliquer. Lorsque le Piémont a résolument adhéré à l’alliance occidentale, à quoi dévouait-il ses soldats et ses ressources, si ce n’est à une cause d’intérêt général dont le caractère était justement de n’affecter les intérêts spéciaux d’aucun peuple, en affectant ceux de tous les peuples ? Le Piémont n’a point manifestement d’intérêts spéciaux dans la question d’Orient, il n’a d’autre intérêt que celui de la sécurité commune, et s’il a combattu pour cette sécurité, pourquoi ne participerait-il pas à toutes les négociations qui doivent l’affermir ? Si on objectait que le Piémont n’a point été jusqu’ici ce qu’on nomme une grande puissance, ne pourrait-on pas dire, en dehors de ces classifications un peu arbitraires, qui sont un legs du congrès de Vienne, que ceux-là seuls sont des pays sérieux et méritent d’être comptés, qui savent au besoin entrer avec une énergique décision dans une grande affaire ?

Une question plus grave est celle de savoir si la Prusse interviendra décidément dans les négociations. Jusqu’ici, rien ne semble plus douteux. Et par le fait, à quel titre la Prusse figurerait-elle dans les délibérations diplomatiques qui vont s’ouvrir ? Pour signer la paix, il semble que la première condition soit d’avoir fait la guerre ou du moins d’avoir accepté une position et des engagemens tels que la guerre ait pu en résulter. La Prusse pour sa part peut invoquer sans doute ce titre de grande puissance dont nous parlions : elle l’a porté depuis quarante ans, elle a coopéré à toutes les œuvres les plus importantes de la diplomatie ; mais si ce titre confère des droits, il impose aussi des devoirs que le cabinet de Berlin est malheureusement très loin d’avoir compris dans toute leur rigueur et dans toute leur étendue. Est-ce comme signataire des protocoles de Vienne que la Prusse peut revendiquer le droit de figurer au prochain congrès ? Le cabinet du roi Frédéric-Guillaume a donné, il est vrai, la sanction de sa signature à ces premiers actes par lesquels les quatre puissances s’engageaient à délibérer en commun sur les conditions de la paix et à n’accepter aucun arrangement particulier avec la Russie. Seulement, ces actes ayant eu des conséquences successives auxquelles la Prusse n’a point adhéré, cette puissance