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surtout, mais qui serait bien plus fâcheuse. C’est qu’en classant la viande par catégories de morceaux, sans avoir égard à la qualité de chaque animal, on décourage l’éleveur et l’engraisseur. Ni l’un ni l’autre n’auront d’intérêt à choisir ou à perfectionner les races, à obtenir les animaux les plus fins de chair et de graisse, puisqu’ils ne recevront pour le produit du dépeçage que le même prix moyen, quelle que soit la qualité, et l’on entrera désormais dans une voie contraire à celle que l’administration de l’agriculture indique dans ses programmes, et récompense dans les concours nationaux et universels.

Telle est l’objection qui s’est produite, et on peut y signaler une certaine exagération. Sans doute, aux termes de l’ordonnance, la viande de tous les animaux abattus doit se vendre au prix moyen ; mais évidemment ce prix est établi d’après la moyenne du cours des animaux conduits au marché, de telle sorte que les bonnes races, bien engraissées, fournissant plus de chair nette et moins de produits de faible valeur, seront toujours payées plus cher par l’acheteur sur pied : elles auront donc exercé leur influence sur le prix de vente de la viande de boucherie. L’éleveur et l’engraisseur continueront. ainsi à recevoir un prix plus haut de leurs bêtes de race que des animaux mal conformés et mal nourris ; seulement ils recevront un prix moyen, c’est-à-dire un peu inférieur à leur valeur réelle. Il n’en est pas moins vrai que, pour les animaux de troisième qualité, le prix excédera la valeur réelle, car l’acheteur aura la certitude de revendre les produits du dépeçage au prix moyen, c’est-à-dire au-dessus du cours le plus bas, ou de celui qu’il aura réellement payé. Ainsi, d’un côté, les producteurs des meilleurs animaux ne recevront pas le maximum du prix, auquel cependant ils ont droit, et qu’ils devaient obtenir avant la taxe. Ils ne seront pas pour cela découragés, mais ils seront moins encouragés. D’un autre côté, les producteurs arriérés, et il s’en trouve beaucoup encore, se sentiront moins excités à changer leurs pratiques vicieuses.

Nous avons indiqué l’abus, en tenant compte de ce qu’il y a d’exagéré dans les objections qu’il provoque. Le moyen de résoudre le problème ainsi posé est bien simple. Selon nous, pour concilier le système des catégories avec les intérêts du producteur et ceux du consommateur, de façon à encourager l’application des meilleures méthodes d’élevage et d’engraissement, il convient d’ajouter aux catégories des morceaux les conditions de qualité des viandes, et il suffirait sans doute de les ranger à cet égard dans trois classes distinctes. L’une comprendrait la première qualité, équivalente à celle que l’on consomme généralement à Paris comme viande de premier choix, même depuis le régime de la taxe. Dans la seconde classe se