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la toreutique. Les images de la Vierge et des saints ont la tête et les mains peintes. Pour figurer la draperie, on cloue une feuille d’or ou d’argent ; les plis sont rendus, soit par un travail au repoussé, soit par les traits du burin. Le front est ceint d’une couronne de métal rehaussée parfois de pierres brillantes. L’église est-elle pauvre, le cuivre et le fer-blanc prennent la place de métaux trop coûteux. Ainsi, en proscrivant la statuaire qui avait forgé les faux dieux de l’antiquité, le culte byzantin, par une confusion singulière, transportait dans la peinture le luxe de la sculpture et le relief de ses ajustemens. La religion catholique avait condamné les fureurs des iconoclastes : elle a présenté sans crainte à la vénération des fidèles les statues des personnages sacrés. Dans les centres privilégiés, les grands artistes ont été appelés, et leur influence a fait triompher la sculpture monochrome ; mais dans les sphères plus modestes du culte, la polychromie s’est maintenue. Il n’est pas besoin d’aller jusqu’en Italie ni jusqu’en Sicile, où les imaginations aiment la couleur et veulent être enivrées par l’éclat extérieur des cérémonies. Restons à Paris ; dirigeons-nous vers la cathédrale ou vers l’église de Saint-Sulpice ; cherchons dans les rues voisines les magasins où se vendent tous les objets nécessaires au culte. Les vases les plus simples s’y trouvent à côté des œuvres les plus magnifiques, les produits de la toreutique à côté de la sculpture polychrome. Voici les tabernacles, les ostensoirs, les candélabres, où l’or, l’argent, le cuivre, l’émail, les pierres brillantes sont habilement mélangés. Voici des statues de toute grandeur et de tout prix, en plâtre, en stuc, en bronze, en bois ; le curé de campagne n’y cherchera point en vain une sainte Vierge ou un saint Joseph à la mesure de ses humbles ressources. Les draperies sont entièrement dorées ; les mains et le visage, le corps du Christ enfant sont peints à l’imitation de la chair ; les yeux, les lèvres, les sourcils, la barbe, sont distingués par les couleurs qui leur sont propres dans la nature. Tout cela est bien naïf et même, je l’avoue, bien grossier ; c’est la polychromie retombée dans son enfance. Pourquoi ? Parce que les artistes l’ont rejetée, parce que les moins habiles qui l’ont recueillie ont laissé les traditions s’altérer d’âge en âge ; l’art est devenu un métier. Si vous démêlez çà et là un modèle plus heureux, ce sera l’œuvre de quelque élève de l’école des Beaux-Arts : il gagnait par un travail honorable l’argent nécessaire à ses études. A-t-il eu le prix de Rome, est-il devenu célèbre ? Il sourit en parlant des travaux qui lui ont donné le pain et la patience, ou même il n’en parle plus.

Il y a là cependant une source de beautés inconnues : c’était cette source tarie depuis des siècles que M. Simart était appelé à rouvrir. Les magnificences de la toreutique veulent pour abri les palais et les