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successivement vénérés. De là le luxe d’attributs, de là l’excès d’ornemens, de là les pendans d’oreille et les colliers. Excusez-le, excusez-moi, je suis forcé de l’imiter : voici ce qu’il avait fait. » L’accent d’une conviction forte eût été au contraire : « Phidias a imprimé à l’art grec un mouvement plein de grandeur et d’audace. L’or et l’ivoire étaient pour lui des matières de prédilection ; sa pensée y trouvait le plus splendide des vêtemens. Loin de les employer par un esprit de servile imitation, il en faisait sortir des chefs-d’œuvre incomparables, — dédaigneux du passé, accusé d’impiété à plusieurs reprises, et ne voulant relever que d’Hésiode et d’Homère. Ses conceptions étaient si hautes, que les Grecs, et plus tard les Romains, avouaient qu’il leur avait révélé Jupiter et Minerve ; elles étaient si belles, qu’elles apprirent à l’antiquité païenne à adorer la beauté divinisée avant la divinité même. »

Me suis-je trompé, ou bien M. Simart, dans son désir de prêter au style de Phidias quelque chose d’archaïque, n’a-t-il pas été entraîné en effet vers la Minerve des frontons d’Égine ? Je parle maintenant du visage de la déesse ; ri m’a frappé par un mélange bizarre du style d’Aspasius et du style éginétique. Le profil est imité de la pierre gravée, les lignes ont la pureté et le caractère que tout artiste grec rencontrait dès que sa main était assez habile pour traduire les modèles dont sa mémoire était nourrie. Voilà bien le nez droit, la bouche peu saillante, le menton fortement accusé, les traits principaux de ce type universel qu’offraient à Aspasius des milliers de monnaies et de vases, productions des époques qui l’avaient précédé. Seulement un artiste du beau siècle eût présenté l’œil un peu de trois quarts, afin de lui donner plus de grandeur et d’en faire sentir le globe arrondi ; il eût surtout prolongé, en la rabaissant davantage, l’arcade sourcilière, afin de donner aux tempes plus de dégagement. La hauteur du front nous parait le signe extérieur de l’intelligence : les Grecs au contraire tenaient le front bas, mais ils en développaient la convexité ; ils obtenaient ainsi sur les tempes ces beaux plans où se joue la lumière, symbole de la pensée.

Si le trait m’a semblé emprunté à Aspasius, le modelé m’a rappelé la Minerve d’Égine, une des richesses du musée de Munich. Une certaine naïveté, un parti pris de simplification, la raideur même des contours, sans le sourire éginétique qui tempère la raideur, ont éveillé en moi ce souvenir. M. Simart me répondra peut-être que je lui prête des intentions qui n’ont pas été les siennes, et je le croirai ; mais pour les impressions de ce genre le spectateur est meilleur juge que l’auteur. Dites à un compositeur moderne que tel et tel de ses motifs sont imités de Mozart ou de Haydn ; il se récriera, et ses protestations seront sincères, car c’est à son insu qu’il a pris une réminiscence pour une inspiration originale. M. Simart a étudié de