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elle est baissée vers la terre, ou bien elle offre une couronne, ou bien elle étend une simple guirlande qui doit ceindre le front de Minerve. Le serpent, qui se voit sur la monnaie d’Athènes, a été omis ailleurs. Les boucliers sont indifféremment à côté de la déesse, devant elle, derrière elle, tenus ou abandonnés, décorés au centre d’une tête de Méduse, ou tout unis. Ainsi les graveurs de monnaies variaient un même motif au gré de leur fantaisie. Qu’était-ce donc lorsque l’artiste maniait une pierre précieuse sur laquelle sa science voulait briller sans mesure, et multiplier les détails tant qu’il y avait place pour un trait ! C’est l’histoire d’Aspasius, qui s’était peut-être inspiré du tétradrachme athénien, comme nos graveurs de pièces d’or se sont inspirés en 1848 des médaillons syracusains ; mais lorsque M. Simart a tenté de copier en ronde-bosse tous les attributs du casque d’Aspasius, lorsqu’il lui a fallu déterminer les saillies, disposer les plans, calculer la perspective, agencer onze animaux sur une tête, il a dû rencontrer des difficultés inouies. Je le répète, si l’idée est fâcheuse, l’exécution est un tour de force.

M. Simart a encore emprunté à la pierre d’Aspasius le riche collier qui couvre la poitrine de sa statue et les pendans d’oreilles. Que les écrivains anciens aient négligé de parler de cette parure, si toutefois Phidias l’avait employée, cela n’aurait rien de surprenant. Cependant ils rapportent tantôt qu’on a volé le bouclier d’or, tantôt que les ailes de la Victoire ont été coupées par des sacrilèges : il semble que des joyaux d’une dimension colossale auraient dû attirer avant tout l’attention des malfaiteurs. Sur les monnaies, les têtes féminines portent fréquemment des ornemens de ce genre, quoique plus simples. Le collier forme une transition si heureuse avant que le cou ne soit brusquement tranché ! le pendant s’attache si naturellement à l’oreille qui se présente de face, et l’unit si bien à la courbe du menton ! La gravure en médaille, selon les règles que nous constations tout à l’heure, gagnait singulièrement à maintenir un ajustement semblable. Cet ajustement convient-il aux statues ? Minerve sera-t-elle parée comme Proserpine ou comme Vénus ? Le collier est-il en harmonie avec l’aspect sévère du casque, de la lance et de l’égide ? On en trouve des exemples. Aussi ne verrais-je point d’objection sérieuse à la restitution de M. Simart, si là encore n’apparaissait une tendance contre laquelle je ne cesserai point de protester, le respect des traditions religieuses substitué au respect de l’art, l’idole habillée que l’on veut montrer plutôt que le type créé par Phidias. M. Simart ressemble à un panégyriste nommé d’office qui n’est pas assez convaincu des vertus de son héros. Son œuvre paraît nous dire : « Oui, le grand sculpteur a sacrifié au goût de son temps ; oui, il a cédé aux exigences des prêtres ; oui, il a dû copier les mannequins en bois que les siècles avaient