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du Parthénon, qui s’est pénétré de toutes leurs formes, qui s’est rendu familiers les principes qu’elles recèlent, les procédés d’exécution qu’elles trahissent, peut approcher du style de Phidias, de même qu’un élève approche du style de son maître, de même que les Grecs fabriquaient de faux poèmes orphiques, les sculpteurs d’Adrien du faux éginétique, de même que nous imitons le XIIIe ou le XVe siècle, et que certains artistes en littérature s’assimilent les tours naïfs du moyen âge. Il est plus aisé, j’en conviens, de prendre le ton général d’une époque que de s’approprier la manière d’un seul homme, quand cet homme s’appelle Phidias. Tout le monde n’a pas la facilité singulière du peintre Dietrich, qui imitait en se jouant les écoles les plus opposées. Aussi n’oserais-je me plaindre parce que M. Simart n’a point réussi à nous rappeler le style de Phidias ; mais qu’il ait emprunté aux monumens les plus divers les élémens de sa Minerve, qu’il se soit inspiré tour à tour des monnaies du siècle des Ptolémées et des pierres gravées du siècle d’Auguste, qu’il ait confondu les époques sans autre motif que la beauté des objets ou leur analogie lointaine avec les descriptions des auteurs, qu’on ait accepté ensuite ce mélange de styles pour du Phidias, voilà ce qui m’arrachera les plaintes les plus vives. C’est Phidias qu’il faut maintenant défendre, c’est le maître dont la grande figure n’aurait point dû être altérée par celui-là même qui lui voulait élever un monument magnifique.

Qui n’a point été frappé d’abord, en considérant la Minerve exposée au palais des Beaux-Arts, par la profusion des ornemens ajoutés au casque ? Un sphinx et deux griffons s’étendent sur le sommet arrondi ; ils supportent trois vastes panaches, sans légèreté et sans couleur. Deux têtes d’Apollon à la chevelure rayonnante ornent les garde-joues. Huit chevaux, engagés à mi-corps, s’élancent de la visière ; ils forment un épais bourrelet, plein de trous et de saillies, qui écrase le front de la déesse et en écarte la lumière ; les boucles mêmes de la chevelure, en or comme le casque, se massent avec lui pour charger davantage la tête et le cou d’ivoire. Est-ce donc là, s’est-on demandé, l’exquise sobriété du génie grec ? Où est cette simplicité idéale qui se parait de sa nudité, loin d’appeler le secours des vains étalages ? Phidias préférait-il le luxe des ajustemens à une ligne pure ou à un contour délicieux ? Les auteurs ont-ils pu célébrer un semblable casque ? — Les auteurs parlent d’un casque surmonté d’un sphinx ; sur chacun des côtés était sculpté un griffon : ils n’ont rien ajouté de plus.

Cependant le goût des modernes ne s’est point tenu pour satisfait d’une décoration riche avec tant de mesure. On a voulu trouver sur des monnaies et des pierres gravées un type plus pompeux, plus digne d’être attribué à Phidias. On ne s’est même pas refusé à croire, sans