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d’immeubles et que cette moitié est généralement moins prolifique que l’autre, on peut hardiment ne compter que deux enfans par famille de propriétaires. Cela étant, la conséquence est rigoureuse, les deux enfans représentent exactement le père et la mère, la propriété ne se divise pas par la succession. Quelques-unes se divisent sans doute quand le nombre des enfans est au-dessus de la moyenne, d’autres se recomposent quand le nombre des enfans est au-dessous. Que chacun regarde autour de soi ; on trouvera des familles qui n’ont pas d’enfans, d’autres qui n’en ont qu’un, le plus grand nombre n’en a que deux ; voilà une première considération.

En voici une autre. Il faut distinguer entre l’étendue et la valeur ; cent hectares en bon état peuvent valoir mieux que cinq cents mal tenus. L’expérience démontre qu’en temps ordinaire la valeur des immeubles ruraux s’accroît au moins d’un pour cent par an par le progrès de la culture et des communications ; il faut y ajouter les maisons nouvellement bâties ; on trouve alors que la valeur totale de la propriété immobilière s’accroît d’environ douze pour cent tous les dix ans, tandis que la population ne s’accroît dans le même laps de temps que de six pour cent. Ajoutez le progrès des valeurs mobilières, qui est bien autrement considérable, et vous verrez que, même en supposant dans toutes les familles deux enfans et demi et le partage égal, la part des enfans doit être en moyenne plus forte que celle des parens. Que chacun regarde encore autour de soi, et on verra si la moyenne des fortunes ne tend pas à s’accroître plus qu’à diminuer, et si une dot de 20,000 fr, par exemple est regardée aujourd’hui comme aussi considérable qu’autrefois.

Je viens de prononcer le mot de dot, c’est par là que l’effet réel du système français se rapproche beaucoup de l’effet réel du système anglais. Peu importe quant au résultat final que les filles héritent ou n’héritent pas, puisqu’elles forment nécessairement la moitié de toutes les familles : elles rapportent d’un côté ce qu’elles prennent de l’autre, et quand elles ne prennent rien, elles n’ont rien à rapporter. Deux autres causes agissent encore pour rapprocher les résultats des deux législations : l’une est la distinction que la loi établit en Angleterre entre les meubles et les immeubles ; si les immeubles ne sont pas soumis au partage égal, les meubles le sont, et comme les valeurs mobilières forment au moins la moitié des fortunes, la condition des héritiers s’égalise d’autant. L’autre cause est la marche plus rapide de la population en Angleterre qu’en France, qui fait que la valeur des parts diminue, au moins pour les valeurs mobilières, en proportion du nombre des co-partageans.

Je suppose que deux pères de famille viennent à mourir, laissant chacun un fils et une fille, et deux cent mille francs de fortune, dont moitié en immeubles et moitié en valeurs mobilières. Voici ce qui