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douze de nos années terrestres, ne reste pas strictement à la même distance du soleil, il peut y avoir quelque variation dans la force de la lumière qu’elle reçoit de cet astre. Ainsi, pour la Terre, le soleil est un peu plus près de nous au mois de décembre qu’en juillet, et les rayons solaires, pris à la même hauteur au-dessus de l’horizon dans les deux cas, sont inégalement chauds ; ils sont plus forts d’environ un quinzième l’hiver que l’été. Cependant la Terre dans son ensemble ne reçoit pas plus de chaleur dans une saison que dans l’autre, car si le soleil est plus chaud pendant l’hiver, par compensation cette saison dure moins que l’été. On peut en dire autant de l’hiver comparé au printemps. Quand il y a pour une saison avantage dans la force échauffante de l’astre plus voisin, il y a compensation exacte par une durée plus grande de l’autre saison qu’on lui compare. Ceci est une déduction mathématique et infaillible. Les auteurs anglais, qui ont tant écrit sur la théologie naturelle, ne paraissent pas avoir connu cette belle loi, qui leur aurait servi à plaider ce qu’ils appellent le dessin dans la nature, c’est-à-dire l’intention ou le fait exprès. Si nous joignons à la faiblesse des variations de l’échauffement solaire dans Jupiter cette circonstance, que les rayons de cet astre y sont vingt-sept fois moins chauds qu’ils ne le sont à la distance où nous nous en trouvons sur la Terre, on jugera qu’il n’y a guère de variations thermométriques à la surface de cette vaste planète, et comme de plus les jours et les nuits n’y sont que de cinq de nos heures, le refroidissement de la nuit et réchauffement du jour y sont très limités. Pour nous autres habitans de la Terre, quelle différence entre ce qui se passe chez nous et ce qui a lieu sur cette planète, la reine du système planétaire ! Combien les grands phénomènes de notre nature terrestre, les saisons, les climats, le soleil, l’année, le jour et la nuit, perdent de leur importance aux yeux de ceux qui voient la nature opérer tout différemment dans une autre planète, laquelle est tant de centaines de fois plus grosse que la Terre, avec une année qui dure douze fois plus, un soleil vingt-sept fois moins ardent, un printemps perpétuel, et des jours et des nuits de cinq de nos heures seulement ! Il est fâcheux que Voltaire, qui tournait en dérision notre globe parce qu’il se présentait au soleil de biais et gauchement, n’ait point considéré les climats de Jupiter, qui présente toujours son équateur au soleil sans aucun biais ; je ne sais s’il eût été complétement satisfait. Cependant on aurait pu lui faire remarquer que le ridicule qu’il jette sur notre pauvre planète, qui suivant lui n’est pas tout à fait les Petites-Maisons de l’univers, mais qui en approche, est moins fondé qu’il ne semble l’admettre, car cette position gauche qu’il critique est précisément ce qui porte la vie chaque année aux deux pôles opposés. Sans cela, nos blés, qui demandent 2,000 degrés de chaleur accumulée pendant un nombre suffisant de jours, ne pourraient guère mûrir en Europe avec la température du commencement du printemps, c’est-à-dire celle du 21 mars. Quant à la vigne, il n’y faudrait pas penser. L’orge, moins exigeante que le blé et qui ne demande que 1,200 degrés de chaleur, ne croîtrait pas à l’extrême nord de l’Europe, comme elle le fait aujourd’hui pendant les rapides étés de ces tristes contrées. En un mot, il est très difficile que ce qui est n’ait pas une raison d’être, et quoique la variété de la nature dans les diverses planètes doive un peu embarrasser les metteurs en