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n’ont pas dépassé l’horreur. L’anarchie fit donc incliner les intérêts, à défaut des cœurs, vers une dynastie nouvelle, acceptée par l’une des factions nationales en haine du dauphin, qui s’était jeté dans les bras de l’autre. La pensée que tant de maux ne pouvaient être conjurés par cette maison de Valois divisée contre elle-même, et où la voix de la nature était muette jusque dans le cœur d’une mère, découragea un moment la France d’une fidélité dont la déliait solennellement un roi en démence. Durant cet affaissement universel, Isabeau de Bavière et le duc de Bourgogne, réconciliés par l’espoir d’une commune vengeance, purent proclamer, sans soulever l’indignation publique, l’avènement d’une royauté représentée par un prince étranger, mais habile, qui, entre tant de factions impuissantes et décriées, promettait au moins un gouvernement à la France. Le sentiment public en était là lorsque la domination anglaise reçut une sorte de titre légal par le traité de Troyes. En vertu de ce traité, Henri V de Lancastre devenait le gendre et le successeur désigné du roi Charles VI, et prenait comme régent le gouvernement du royaume.

Cependant le troisième fils du monarque, devenu dauphin par la mort prématurée de ses deux frères, errait dans les provinces centrales en fugitif plutôt qu’en prétendant. Charles de Touraine, léger comme tous les princes de sa maison, timide comme un enfant repoussé des bras paternels, avait marché de faute en faute depuis le commencement de son rôle politique. En acceptant la responsabilité personnelle de l’assassinat commis contre Jean-sans-Peur, il avait levé entre lui et la maison de Bourgogne une barrière qui semblait infranchissable, et il ne s’était pas moins gratuitement aliéné le duc de Bretagne. Dominé par des favoris médiocres, Charles était sans suite dans ses desseins comme sans fidélité dans ses relations, et cherchait au milieu de distractions vulgaires l’oubli de maux dont la grandeur ne relevait ni son cœur ni son intelligence. Écrasé par les déclarations d’une furie qui affichait son propre déshonneur pour infirmer dans sa source le droit héréditaire de son fils, le prince semblait participer, sur ce droit même, à l’incertitude que ses ennemis s’efforçaient de propager. L’orgueil de son sang n’éclatait ni dans ses allures ni dans ses actes : triste jusque dans le plaisir, incertain jusque dans le succès, on eût dit qu’il fléchissait sous sa fortune, et que le dernier des Valois, comme le dernier des Atrides, sentait peser sur sa tête les pieds d’airain du sort.

L’espèce de résignation, pour ne pas dire de facilité, avec laquelle le nouveau roi paraissait accepter son malheur avait été à la mort de Charles VI l’un des plus sérieux obstacles an succès d’une cause déjà compromise par tant de fautes, et qui ne se fût jamais relevée si elle n’avait été celle de la France. Ses auxiliaires étrangers, ceux que l’Ecosse lui envoyait en haine de l’Angleterre, ceux qu’il recevait de