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de Mazarin, est représentée la scène racontée par Mme de Motteville : « Mme de Hautefort s’est vantée d’avoir fait connoître à la reine les raisons de sa conduite et de lui avoir parlé de façon à lui faire bien comprendre qu’elle demanderoit son congé si on ne la traitoit pas mieux. » Puis vient cette remarque en espagnol évidemment destinée à la reine : « Elle avoue qu’elle a pleuré, mais que ce n’étaient pas des larmes de tendresse. »

L’emprisonnement du duc de Beaufort aigrit encore cette situation difficile. Nous qui savons aujourd’hui, à n’en pouvoir douter[1], que Beaufort était coupable, nous approuvons la conduite de Mazarin ; mais les preuves juridiques faisant défaut, ceux qui n’étaient pas dans les secrets de Mme de Chevreuse pouvaient fort bien croire que toute cette conspiration, dont on faisait tant de bruit, était une invention du cardinal pour se défaire de ses ennemis. C’était là l’opinion sincère de bien des gens, et par exemple du vertueux évêque de Lisieux, le fidèle ami et défenseur des Vendôme ; pourquoi Mme de Hautefort aurait-elle été plus clairvoyante ? Elle croyait donc Beaufort innocent ; On conçoit alors quelle dut être sa douleur en voyant la reine se prêter à ce qui lui semblait une lâche vengeance et sacrifier à un favori italien le petit-fils d’Henri IV. Elle eut bien de la peine à suivre, comme Mme de Sénecé, le mot d’ordre donné par l’évêque de Limoges : souffrir en silence, demeurer à son poste, et attendre les occasions favorables.

Dans le parti des Importans, les politiques vaincus et détruits avaient entièrement cédé la place aux dévots qui s’agitaient plus que jamais. Ils avaient tiré De Noyers de sa retraite de Dangu, et plaçaient en lui leur espérance, comme en un autre Châteauneuf. À défaut de l’évêque de Lisieux, exilé dans son diocèse, ils mettaient en avant le père de Gondy, le père Vincent, les religieuses du couvent des Filles-de-Sainte-Marie, des Carmélites et du Val-de-Grâce. Mme de Hautefort était parmi les saints ce qu’avait été Mme de Chevreuse parmi les politiques, et elle lui avait succédé dans les ombrages et les alarmes du cardinal. Comme nous l’avons dit tout à l’heure, elle ne faisait, elle ne disait rien dont il ne fût sur-le-champ informé. Plusieurs des rapports qu’on lui adressait sont tombés entre nos mains[2], et nous montrent la source des soupçons et des accusations

  1. La duchesse de Chevreuse, livraison du 15 décembre 1855.
  2. Archives des affaires étrangères, FRANCE, t. CXLIII, trois pièces de l’année 1643, égarées dans l’année 1652, et qui sont sur des papiers différens et de mains différentes. Quelqu’un écrit les observations faites par une autre personne, qui est appelée l’Oracle. Mazarin avait donc deux espions autour de Mme de Hautefort : l’Oracle était le principal. Les trois pièces ont diverses dates et portent ce titre commun : Touchant la conduite de madame de Hautefort.