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sérieuses passions, et elle avait des adorateurs jusque dans le parti de Mazarin, et parmi les hommes les plus attachés à sa politique et à ses intérêts. Nous avons déjà dit qu’elle avait autrefois blessé le cœur du duc de Liancour, un des premiers gentilshommes de la chambre du roi, qui dans les secrets conseils d’Anne d’Autriche, pendant la longue agonie de Louis XIII, avait si utilement servi Mazarin. Il était dans la plus haute faveur auprès du ministre et de la régente, et il y était un appui déclaré et très puissant pour Mme de Hautefort. Il la défendait auprès de Mazarin, et il défendait aussi Mazarin auprès d’elle. Elle protestait à M. de Liancour qu’elle ne se mêlait d’aucune intrigue et qu’elle n’avait pas la moindre connaissance des complots qu’on attribuait aux Importans ; mais, elle avouait qu’elle entendait dire sur la reine et sur Mazarin bien des choses qui l’affligeaient et auxquelles elle ne pouvait fermer ses oreilles, et que la reine elle-même était souvent réduite à entendre.

Mme de Hautefort avait encore auprès du cardinal deux autres amis que le ministre avait le plus grand intérêt à ménager. L’un était le premier général de cavalerie de l’armée française, ce vaillant élève de Gustave-Adolphe, si bien fait pour les combats, que Richelieu l’appelait La Guerre ; Gassion, qui venait, de se couvrir de gloire à Rocroy. Il n’avait pu rencontrer Marie de Hautefort sans être touché de sa beauté modeste ; mais ce cœur de fer et de feu, devenu timide devant la jeune femme s’était renfermé dans une admiration respectueuse, et il attendait pour se déclarer quelque occasion favorable, quelque grand avancement, le maréchalat ou un commandement d’armée ou de province. L’autre adorateur de la belle dame d’atours était le duc Charles de Schomberg, le digne fils de Henri de Schomberg, maréchal de France et l’un des amis particuliers et des premiers capitaines de Richelieu ; lui -même était maréchal de France depuis sa victoire de Leucate, et tenait dans la cour et dans les affaires un rang très élevé par sa naissance, sa fortune, sa renommée et sa magnificence. Il avait quarante-deux ans en 1643. Fort beau dans sa jeunesse, il était encore très bien. Il avait la mine haute et le plus grand air, et il faisait profession de la noble galanterie qui était alors à la mode. Il n’appartenait à aucun parti, et était étranger à toute intrigue : il servait la régente et Mazarin, comme il avait servi Louis XIII et Richelieu, faisant son devoir plus