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il mit aux pieds de Mme de Hautefort sa fortune et son nom qu’elle n’hésita point à refuser[1]. Le duc de Ventadour, le chef de la maison de Levis, ne cachait pas la vive et solide passion quelle lui avait inspirée : il la recherchait ouvertement et briguait son cœur et sa main[2].

Quelle était donc cette beauté à laquelle nul ne résistait et qui, sans la moindre coquetterie, soumettait les cœurs les plus dissemblables, les plus purs et les plus légers, les plus hardis comme les plus sages, et les vieillards comme les jeunes gens ? Le moment est venu de la faire connaître d’après les témoignages les plus certains.

Sans nous arrêter à recueillir les divers éloges que les mémoires contemporains prodiguent en passant à Mme de Hautefort, nous nous en tiendrons à trois descriptions tracées par des mains différentes, et qui toutes les trois, par leur ressemblance, témoignent de leur commune exactitude. Mme de Motteville fournit d’abord les traits essentiels[3] : « Ses yeux étaient bleus, dit-elle, grands et pleins de feu, ses dents blanches et égales, et son teint avoit le blanc et l’incarnat nécessaires à une beauté blonde. » La pieuse amie qui nous a laissé une vie édifiante de Mme de Hautefort a cédé elle-même au plaisir de faire connaître en détail une si parfaite beauté. La chaste plume n’a rien oublié, et la peinture entière est d’une naïveté gracieuse qui répond assez de sa fidélité : « Mme de Hautefort est grande et d’une très belle taille ; le front large en son contour, qui n’avance guère plus que les yeux, dont le fond est bleu et les coins bien fendus ; leur vivacité est surprenante et leurs regards modestes ; ses sourcils sont blonds, assez bien fournis, se séparant les uns des autres à l’endroit où se joint le front ; le nez aquilin, la bouche ni trop grande ni trop resserrée, mais bien façonnée ; les lèpres belles et d’un rouge vif et beau ; les dents blanches et bien rangées. Deux petits trous aux côtés de la bouche achèvent la perfection et lui rendent le rire fort agréable ; elle a les joues bien remplies : la nature s’est complu à y mêler le blanc et le vermeil avec tant de mignardise, que les roses semblent s’y jouer avec les lis ; elle a les cheveux du plus beau blond cendré du monde, en quantité et fort longs, et les tempes bien garnies ; elle a la gorge bien faite, assez formée et fort blanche, le cou rond et bien fait, le bras beau et bien rond, les doigts menus et la main pleine. Elle a l’air libre et aisé, et quoiqu’elle n’affecte pas de certains airs que la plupart des belles veulent avoir pour faire remarquer leur beauté, elle ne laisse pas

  1. Tallemant, t. Ier, p. 141
  2. Scarron, t. VII, p. 180, Voyage de la Reine à La Barre.
  3. Mémoires, t. Ier, p. 48.