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quand il voyait qu’on y prenait garde, il détournait sa vue d’un autre côté. La rupture était commencée ; le cardinal la fit durer deux années entières,

Il y avait alors parmi les autres filles d’honneur de la reine une jeune personne de fort bonne naissance, qui, sans avoir toute la beauté de Mlle de Hautefort, était aussi très agréable. Marie était une blonde éblouissante, parée de bonne heure des charmes les plus redoutables ; Louise-Angélique de La Fayette était brune et délicate. Si elle n’avait pas le grand air de sa compagne, si elle n’enlevait pas l’admiration, elle plaisait par sa douceur et sa modestie. À la place de la vivacité et de la grâce, elle avait du jugement et de la fermeté, avec un cœur porté à la tendresse, mais défendu par une piété sincère[1].

Les confidens du roi, de faciles serviteurs, Saint-Simon, favori émérite, qui avait fait son traité avec le ministre, Sanguin, maître d’hôtel du roi et qui était très familier avec lui, bien d’autres encore, parmi lesquels on met à tort ou à raison l’oncle même de Mlle de La Fayette, l’évêque de Limoges, portèrent Louis XIII à faire attention à la jeune fille par tout le bien qu’ils lui en dirent. Louis XIII commença à lui parler pour faire dépit à Mlle de Hautefort ; mais, comme il était homme d’habitude[2], à force de la voir, l’inclination lui vint pour elle, et il l’aima sérieusement. Mlle de La Fayette commença aussi par être flattée des hommages du roi ; puis, quand il lui ouvrit son cœur, quand il lui montra ses tristesses intérieures, ses ennuis profonds parmi les grandeurs de la royauté, quand elle vit l’un des plus puissans monarques de l’Europe plus misérable que le dernier de ses sujets, elle ne put se défendre d’une compassion affectueuse, elle entra dans ses peines et les adoucit en les partageant. Le roi, se trouvant à son aise pour la première fois de sa vie avec une femme, laissa paraître tout ce qu’il y avait en lui d’esprit, d’honnêteté, de bonnes intentions, et il connut enfin la paix et la douceur d’une affection réciproque. Mlle de La Fayette en effet finit par aimer Louis XIII ; Mlle de Motteville, qui plus tard devint son amie et reçut ses plus intimes confidences, l’assure, et nous la croyons. Mlle de La Fayette n’aima pas seulement le roi comme un simple gentilhomme, avec le plus entier désintéressement, sans s’enorgueillir ni sans profiter de sa faveur, elle l’aima comme un frère, d’un sentiment aussi pur que tendre. Cette liaison dura deux années, jusqu’en 1637, toujours noble, touchante et véritablement

  1. Il nous a été impossible, malgré toutes nos recherches, de découvrir aucun portrait peint de Mlle de La Fayette, et le père Lelong ne cite d’autre portrait gravé que celui de Montcornet, auquel on ne peut se fier.
  2. Ce sont les propres termes de Monglat.