Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mer en un mot : c’est la lutte entre l’anarchie révolutionnaire et un certain esprit d’ordre renaissant. Lequel l’emportera ? Tout semble incliner vers l’ordre aujourd’hui. Une chose est manifeste, c’est la décadence du parti qui s’appelle démocratique. Ce parti n’a jamais été bien puissant au-delà des Pyrénées, et il n’est pas même populaire. Il n’a dû d’entrer dans les cortès qu’à un ébranlement révolutionnaire. Il espérait jouer un rôle en circonvenant le duc de la Victoire, dont il aurait fait au besoin son dictateur : il n’a point réussi. Il comptait tout au moins trouver quelque force dans une alliance avec les progressistes avancés : ceux-ci n’osent pas avouer son alliance, et les progressistes modérés la déclinent chaque jour énergiquement. Le parti démocratique reste donc avec lui-même, ce qui est peu. Le général O’Donnell achevait, il y a quelques jours, sa défaite en révélant dans les cortès avec un mélange de réserve et de cruauté que ces fiers tribuns, toujours prêts à faire la guerre au gouvernement, n’étaient pas moins fort traitables. L’un d’eux, M. Ordax y Avecilla, avait manifesté, à ce qu’il paraît, l’intention d’accepter le poste de ministre plénipotentiaire à Mexico, — qui ne lui a point été accordé. La révélation a fait quelque scandale ; de là une recrudescence de fureurs démocratique contre le général O’Donnell, et cette recrudescence même n’a pas peu contribué à fortifier l’ascendant du ministre de la guerre. Un incident tout récent est venu mettre de nouveau à l’épreuve cette situation. On sait les désordres qui ont eu lieu à Saragosse. Une des conséquences de ces désordres a été la disgrâce, — déguisée sous une démission volontaire, — du commandant militaire de l’Aragon, du général Gurrea, dont le rôle n’a point été fort clair dans ces événemens. Ce qu’il y a à remarquer, c’est que le général Gurrea était l’ami très intime du duc de la Victoire en même temps que l’espoir du parti démocratique et des progressistes avancés. Tout semble donc indiquer un développement croissant de cette situation que le duc de la Victoire couvre de son nom, et dont le général O’Donnell est la force réelle. Les révolutionnaires espagnols ne tenteront-ils pas un suprême effort pour combattre ces tendances ? C’est là une éventualité dont on paraît se préoccuper à Madrid, et contre laquelle le gouvernement est armé. La révolution triomphait il y a un an au-delà des Pyrénées, elle semble battre en retraite aujourd’hui.

Le Portugal a de plus que l’Espagne la paix des partis, cette trêve des opinions ou des passions qui dure depuis quelques années, et qu’est venu corroborer l’avènement au trône du roi dom Pedro V. Chartistes et septembristes se sont réunis pour saluer cet avènement, qui en définitive a peu modifié les conditions réelles du royaume portugais. La session régulière des chambres s’ouvrira sans doute le 2 janvier selon l’habitude ; le duc de Saldanha reste à la tête du gouvernement. Telle est encore la situation du Portugal. Les luttes des partis se réveilleront-elles dans les chambres ? Le cabinet de Lisbonne semble décidé à prendre position sur un terrain tout autre que le terrain politique, sur celui des améliorations matérielles, et le voyage du ministre des finances, de M. Fontes Pereira de Mello, n’est point étranger à la réalisation de ces vues de progrès pratique. Le roi a tenu, dit-on, à ce que son ministre vit de près de grandes administrations ; mais en outre le voyage de M. Fontes a eu un objet plus direct. Le ministère actuel de Lisbonne a accompli, depuis qu’il est au pouvoir, de grandes mesures finan-