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soirement la direction de la police depuis la retraite de M. Mazza. M. Bianchini n’est point un homme nouveau ; il a l’expérience que donne une longue pratique administrative, et il s’est signalé surtout par des écrits sérieux sur l’histoire des finances du royaume de Naples, sur la situation civile et économique de la Sicile, sur les réformes commerciales accomplies en Angleterre. Récemment encore il vient de publier une œuvre nouvelle sur les principes de la science du bien-être social et de l’économie publique. C’est tout un traité des conditions de l’ordre et du progrès dans les sociétés. Écrivain consciencieux en même temps que ministre de son souverain, M. Bianchini ne peut puiser dans l’étude d’autre conseil que celui d’une politique prévoyante et libérale, la plus propre au demeurant à garantir le royaume de Naples de bouleversemens nouveaux.

Mais au-dessus de ces traits divers de l’existence individuelle des états italiens il reste toujours une question dominante, celle de la situation générale de l’Italie, qui touche par tant de côtés à la situation générale de l’Europe. Que le conflit qui a mis le continent en armes ait retenti presque comme un appel au-delà des Alpes, qu’il ait ravivé des espérances, laissé entrevoir des possibilités nouvelles, cela ne saurait surprendre. L’Italie est comme tous les peuples qui souffrent, qui attendent sans cesse, et qui croient chaque jour voir arriver l’occasion favorable. C’est à une impatience de ce genre sans doute qu’obéissait récemment M. Manin, l’ancien dictateur de Venise, en jetant une fois de plus dans la polémique ce grand problème des aspirations italiennes. Le malheur de l’Italie, c’est que dans les rêves de régénération formés pour elle, la chimère prenne si souvent la place de la réalité, même quand on cherche le mieux à se rapprocher du possible. Dans les rêves d’aujourd’hui, le Piémont occupe évidemment une grande place. Il y a là une maison royale populaire, un gouvernement constitué, qui a des traditions, de grandes alliances, une armée, une force organisée. Il ne reste plus qu’à se servir de cette force, à la diriger vers le but commun. Le Piémont a sans nul doute au-delà des Alpes une position considérable, qui peut s’accroître encore ; mais il est le premier intéressé à résister à des suggestions, à des entraînemens qui le perdraient lui-même sans sauver l’Italie. Ce n’est pas la complicité de l’esprit révolutionnaire déguisée sons une forme quelconque qui ajouterait à sa force, elle ferait sa faiblesse. C’est justement parce que le Piémont est un état régulier qui a des traditions, des alliances, une armée courageuse et fidèle, qu’il doit se conduire comme un état régulier, et qu’il a autant à se garder d’un certain genre d’alliés que de ses ennemis propres. M. de Cavour, qui reste toujours à la tête du ministère, ne peut certainement que conseiller cette politique au roi Victor-Emmanuel. C’est celle de la maison de Savoie, et c’est la seule qui puisse servir l’Italie dans ses vrais intérêts, dans ses justes aspirations.

Où en est de son côté cette autre péninsule qui embrasse l’Espagne et le Portugal ? Ce ne sont point à coup sûr les événemens qui ont manqué à l’Espagne en peu de temps. Une révolution travaillant à s’organiser, des cortès constituantes à peu près en permanence, des discussions passionnées, des conflits de pouvoirs, des agitations religieuses, des tentatives de guerre civile, tout s’est réuni pour éprouver un pays déjà soumis jusqu’ici à tant d’expériences. L’histoire de l’Espagne depuis plus d’une année peut se résu-