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sera trouvé un instant entre une paix possible et une guerre dont les proportions et la durée restent un mystère.

Quelque grandes que soient les questions qui s’agitent, il reste toujours cependant d’autres intérêts plus modestes, qui ont leur importance et qui suivent leur cours. La France et l’Angleterre ont certes d’assez graves sujets de préoccupations communes aujourd’hui ; elles viennent néanmoins de signer une transaction bien étrangère à ces préoccupations, et qui offre des avantages réels : c’est une convention additionnelle à celle de 1843, qui régit les relations postales entre les deux pays. Aux termes de la convention nouvelle, les imprimés de toute nature, qui n’étaient transportés sur le territoire du royaume-uni, ou dans les divers pays des deux mondes pour lesquels l’Angleterre nous sert d’intermédiaire, qu’aux mêmes prix que les lettres ordinaires, profiteront désormais des bénéfices d’une modération de taxe proportionnelle à celle qui existe dans l’intérieur de la France. On ne saurait ici entrer dans les détails. Qu’on sache cependant qu’un simple livre, une simple livraison d’un recueil périodique, pour arriver dans certaines villes de l’Inde anglaise, payait jusqu’à 25 et 30 francs de frais de poste. Il y a peu de jours encore, quelques documens de statistique expédiés d’une ville de l’Amérique du Sud par les paquebots anglais parvenaient à Paris. Arrivés à leur destination, ils coûtaient en frais de port seulement 795 francs ! On comprendra que l’initiative éclairée de M. le ministre des affaires étrangères se soit très utilement employée en mettant fin à de telles anomalies. Le résultat infaillible sera de rendre possibles d’abord et d’accroître ensuite les rapports intellectuels entre l’Europe et l’Inde ou l’Amérique. Il est bien des publications qui éclaireraient d’un jour nouveau la vie de ces contrées, qu’on ne pouvait obtenir jusqu’ici, et qu’il deviendra facile d’avoir : témoignages utiles, quelquefois curieux, du développement contemporain des peuples. Le traité nouveau se relie aux conventions du même genre et à notre législation postale, qu’il complète. C’est un côté modeste et pratique de notre vie intérieure.

Mais dans son ensemble, à un point de vue plus général, qu’a produit l’année qui s’en va dans cette vie intérieure ? Le calme, un calme profond et universel, ne s’est point démenti. Le bruit des luttes politiques, violemment apaisé, ne s’est point réveillé ; on pourrait dire même que ce repos ressemble à un assoupissement. Dans cette année, le grand événement a été l’exposition, qui a attiré à Paris les souverains et les princes, les hommes d’état et les hommes de travail de tous les pays. L’industrie a eu ses jours de pompe. Soit, mais il faudrait prendre garde à la faveur du développement légitime de l’industrie, de ne point faire grandir, jusqu’à devenir une puissance, le culte exclusif des intérêts et du bien-être. Quoi qu’on en dise, ce n’est point la une conséquence inévitable de 1789. La liberté véritable repose moins sur le développement de la richesse matérielle, bien qu’elle soit compatible avec lui, que sur l’intégrité des notions morales qui sont le principe de sa force et la source de ses grandeurs.

Et maintenant, en dehors de ces grandes questions qui viennent de temps à autre remuer et instruire le monde, qu’on fasse un retour sur les faits les plus récens, sur l’état présent de l’Europe : il y a eu certes peu de changemens décisifs depuis une année. La situation actuelle de la plupart des pays