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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 décembre 1855

C’en est fait, le rideau tombe sur un acte de plus du drame de l’histoire contemporaine. De cette année rapide et insaisissable qui disparaît déjà, que reste-t-il ? Un souvenir, un point, — un point, il est vrai, qui embrasse l’horizon derrière nous. C’est la huitième année depuis qu’un jour d’hiver fit éclore la république en France d’une violence populaire ; c’est la troisième, ou, pour mieux dire, c’est la quatrième année depuis que l’empire renaissant est sorti tout armé de la république ; c’est la seconde année enfin depuis que la guerre est venue ébranler le continent et livrer au tranchant de l’épée le nœud des plus grandes questions d’équilibre et de civilisation. L’esprit a besoin de rassembler ces souvenirs et ces dates pour mesurer l’espace parcouru, pour saisir comment nous avons pu passer de l’un à l’autre pôle des idées politiques dans notre vie intérieure, comment aussi nous avons pu être jetés d’une paix de quarante années dans une conflagration redoutable surtout par ce qu’elle a de mystérieux dans sa marche et dans son but. Le monde marche aujourd’hui au milieu du bruit des armes sans trop savoir où il sera demain. Si l’on consulte certains faits, certains symptômes, il est bien clair que la guerre est loin d’être terminée. Tandis que la ville de Kars finit décidément par capituler, et donne aux Russes leur première victoire, nos armées gardent leurs positions conquises en Crimée. Nos régimens d’Orient qui rentraient hier à Paris ne reviennent pas seulement pour prendre le repos dû à leurs fatigues, ils reviennent parce que « le pays, qui entretient six cent mille soldats, a intérêt à ce qu’il y ait maintenant en France une armée nombreuse et aguerrie prête à se porter où le besoin l’exige. » Tel était le langage du chef de l’état à ces bataillons presque poudreux encore du champ de bataille, et accueillis partout avec une virile et sympathique émotion. Si d’un autre côté on tourne les yeux vers l’Allemagne, il est bien évident qu’il y a là un effort suprême en faveur d’une paci-