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REVUE MUSICALE

Les théâtres et les concerts.

Nous avons attendu que la saison musicale fût assez avancée pour apprécier la qualité des fruits nouveaux. Aussi bien on arrive toujours assez tôt pour assister aux funérailles du succès de la veille, car jamais on n’a pu dire avec plus de vérité que de nos jours : « Les morts vont vite. »

Le troisième théâtre lyrique, pour avoir obtenu depuis quelques mois un si grand nombre de succès, ne s’en porte pas mieux. Ni Jaguarita l’Indienne, ni le Bijou perdu, ni les prouesses de Mme Cabel n’ont pu encore assurer l’avenir d’une entreprise à qui la vie a été rendue aussi dure que possible. Le Théâtre-Lyrique était destiné d’abord à exercer la veine des jeunes compositeurs sans expérience de la scène et à les préparer soit pour l’Opéra-Comique, soit pour l’Opéra, où l’on ne peut arriver qu’après avoir fait ses preuves de vaillance. MM. les membres de l’Institut, au lieu de respecter cet asile de l’innocence, s’y sont abattus comme des vautours et l’ont ruiné à force de succès. Pourtant rien ne serait plus facile que d’assurer au Théâtre-Lyrique un avenir moins brillant, mais plus certain : ce serait de lui accorder une subvention, dont l’art musical a bien plus besoin en France que la littérature du mélodrame et du vaudeville, qui se suffit à elle-même, en lui imposant la condition de n’exécuter que les opéras des compositeurs novices et particulièrement ceux des lauréats de l’Institut. Quant aux musiciens illustres qui siègent à l’Académie des Beaux-Arts, ils seraient absolument exclus d’un théâtre pour lequel ils ne possèdent ni assez de vices ni assez de vertus.

Quoi qu’il arrive de ce programme que nous donnons pour ce qu’il vaut en tout bien et en tout honneur, le Théâtre-Lyrique a grand besoin qu’on vienne à son aide soit avec un chef-d’œuvre inconnu, soit avec une subvention qui lui permette d’attendre de meilleurs jours. Parmi les jeunes