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a fait usage à mon égard… Les regrets sont inutiles ; mais s’il pouvait voir du même œil dont je l’envisage la vraie gloire qu’il serait en droit d’acquérir par une paix modérée et juste, que de bonheur n’en résulterait-il pas pour la France et pour l’Europe entière ! » (22 avril 1806.)

Au moment où cette lettre était écrite, la négociation semblait près de se rompre ; mais la lettre même servit à la renouer. Lord Yarmouth, retenu comme prisonnier en France, était chargé de la suivre ; plus tard, lord Lauderdale lui fut adjoint. Napoléon, justement mécontent de la Prusse, était disposé à faire disparaître la plus grande difficulté en restituant le Hanovre. On en était presque à ne plus discuter que deux choses, — si l’Angleterre, qui devait garder toutes ses conquêtes maritimes, rendrait Surinam ; si-là France qui devait garder toutes ses conquêtes continentales exigerait la Sicile pour le roi Joseph. C’est un de ces rares et précieux momens qu’on ne rencontre pas, en lisant notre histoire de ce siècle sans un serrement de cœur. Malgré quelques défiances réciproques, malgré quelques nuages sans cesse renaissans, dissipés sans cesse, on semblait approcher du terme. La raideur ombrageuse du cabinet britannique et son peu de promptitude à juger des intentions vraies de ceux avec qui il traite, ces deux défauts, qui ont plus nui à sa renommée que ne l’auraient fait de flagrantes violations de la foi et de la justice, cédaient au libre et généreux génie d’un homme incomparablement placé pour être le réconciliateur de nos deux pays. Dominant les entraînemens de la victoire, la juste satisfaction d’être si grand laissait encore l’âme de Napoléon ouverte aux inspirations de la vraie sagesse, et les gigantesques idées dont se repaissait son imagination ne se tournaient pas en exigences hautaines incompatibles avec l’honneur et la sécurité de tous. Le malheur voulut que la Prusse, qui n’avait pas osé s’unir à la dernière coalition, humiliée de son inaction, de l’insignifiance à laquelle la condamnait sa duplicité versatile, confondant, suivant son usage sa vanité avec son ambition, imaginât de se faire menaçante et réveillât le génie de la guerre à peine assoupi, Il fallut surtout qu’un mal grave et rapide vînt affaiblir et suspendre, puis bientôt anéantir l’influence de Fox, qui mourut un mois juste avant la bataille d’Iéna.

Encore en possession de ses forces, il avait parcouru non sans honneur la dernière session où il lui ait été donné de se faire entendre. Il aurait désiré que l’émancipation des catholiques fût un de ses premiers actes ; mais c’était dissoudre le cabinet en le formant. Il dit à l’Irlande de choisir entre un débat stérile et un ministère ami, et l’Irlande ajourna elle-même ses griefs. En faisant voter la chambre sur l’existence de l’armée, il introduisit dans le muting bill