Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’imagination. C’était un homme né pour les affaires publiques, et qui savait vivre et traiter avec les hommes.

La situation générale n’était ni commode ni brillante. La France montait au comble de la gloire, et les revers de la politique de la guerre ne facilitaient pas la politique de la paix. Cependant on pouvait considérer qu’à l’exception du Hanovre, conquis par l’empereur jet donné à la Prusse, l’Angleterre n’avait rien perdu. Son empire des Indes était assuré ; elle détenait Malte, le Cap, presque toutes nos colonies ; la bataille de Trafalgar illustrait ses armes. La coalition dont Pitt était le principal artisan avait payé cher ses défaites ; mais, en la formant, Pitt avait éloigné son ennemi des côtes de l’Angleterre, et la conduite de la guerre continentale ne pouvait après tout être reprochée à sa mémoire. Fox pouvait donc songer à la paix sans exiger de son pays un grand sacrifice. Son premier acte parlementaire fut guerrier néanmoins. La Prusse, en acceptant le Hanovre, quoiqu’elle alléguât la contrainte, avait encouru et mérité l’hostilité de l’Angleterre. Un message du roi fut en conséquence communiqué au parlement, et Fox inaugura sa diplomatie par une rupture nouvelle, mais indispensable. Ce fut un hasard heureux qui le mit en relation avec le cabinet français. Il reçut un jour la visite d’un personnage se disant Français, et qui venait lui confier un projet d’assassinat contre l’empereur Napoléon. Il s’empressa de le livrer à la police, et d’écrire à M. de Talleyrand pour le prévenir et lui offrir tous les moyens de recherche et d’information que la chose pourrait exiger. M. de Talleyrand était lié de tout temps avec lui ; de tout temps aussi, c’était à regret qu’il avait vu la lutte des deux pays. Ministre du directoire, on l’avait accusé d’une politique anglaise. Il savait que Napoléon était dans un de ces momens où la paix avec l’Angleterre tentait sa sagesse. Il répondit par des remerciemens et des complimens. L’empereur, en recevant la communication, s’était écrié qu’il reconnaissait la M. Fox. « Remerciez-le de ma part, avait dit sa majesté, et dites-lui que, soit que la politique de son souverain nous fasse rester encore longtemps en guerre, soit qu’une querelle inutile pour l’humanité ait un terme aussi rapproché que les deux nations doivent le désirer, je me réjouis du nouveau caractère que par cette démarche la guerre a déjà pris… M. Fox est un des hommes les mieux faits pour sentir en toutes choses ce qui est beau, ce qui est vraiment grand. » Fox répondit en offrant directement la paix. « Cette proposition, dit M. Thiers, charma Napoléon. » Une négociation par correspondance à la fois officielle et privée des deux ministres s’engagea. Fox disait dans une de ses lettres : « Je suis sensible au dernier point, Corinne je dois l’être, aux expressions obligeantes dont le grand homme que vous servez