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d’écrire à Pitt, dont il avait été déjà l’intermédiaire auprès du roi. Pitt proposa au roi, — il s’y était, dit-on, engagé, — un plan d’administration où Fox et lord Grenville devaient trouver place. Le roi refusa l’un et consentit de mauvaise grâce au second. Le premier jour, Fox avait déclaré que sa personne ne devait être un obstacle à aucun arrangement, et qu’il lui suffisait d’avoir ses amis dans l’administration. Pitt se le tint pour dit, mais Grey et les autres whigs déclarèrent à leur tour qu’ils n’entreraient point sans Fox, et lord Grenville tint le même langage. Pitt trouva indigne le procédé de lord Grenville ; mais il se passa de lui, il se passa de Fox et de ses amis, comme il se passa de rien stipuler touchant l’Irlande et les catholiques, et il forma son ministère avec les débris de celui d’Addington. Les hommes qui ont après lui gouverné l’Angleterre, les lords Eldon, Liverpool, Castlereagh, Harrowby, viennent de là. Pitt ne leur amena guère que lord Melville et Canning (12 mai 1804).

Il était peu probable que cette combinaison ministérielle fût réservée à de hautes destinées ; cependant la session finit assez paisiblement. Les mesures du gouvernement passèrent à des majorités plus faibles que celles dont Addington ne s’était pas contenté. Pitt ne s’ébranlait point pour si peu, et malgré l’opposition de Grenville et d’Addington, malgré les sarcasmes de Sheridan et l’habile résistance de Grey, qui devint son plus sérieux adversaire, il tint ferme et gagna une première année. Il avait toujours porté dans la guerre plus de résolution que d’activité. Les grandes combinaisons lui allaient mieux que les hasardeuses entreprises. Contre la France, il se borna aux précautions d’un système défensif. Tout son espoir était dans une nouvelle coalition européenne. Il travaillait ardemment à la former.

À la session suivante, il se présenta devant le parlement sans avoir à lui offrir de grands résultats. Il se sentit assez affaibli pour rechercher l’alliance d’Addington lui-même, qui, sous le titre de lord Sidmouth, devint président du conseil. Grenville et toute l’opposition n’en éclatèrent pas moins. Pitt se défendit avec son talent accoutumé ; mais quoiqu’il obtînt facilement, en mesures et en argent, tout ce qu’il voulait pour la guerre, la session fut pour lui une suite de rudes épreuves. Il aurait voulu ajourner la question de la traite, qu’on avait failli décider favorablement l’année précédente. Il ne put obtenir un répit de la sainte ardeur de Wilberforce, et tout en se donnant la bonne grâce apparente d’appuyer sa motion, il la laissa combattre par ses collègues, qui la firent rejeter. Puis vint l’embarrassante question des catholiques. Cette question est la gloire des whigs. Au risque d’affaiblir leur parti, de compromettre leur popularité, de créer dans l’avenir à la liberté politique de sérieuses difficultés, ils ont en tout temps, pour le seul honneur des principes, par