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invité à Neuilly. Il y dîna avec le duc d’Uzès et M. Rœderer, il y vit l’abbé Casti et un prince de Saxe-Weimar, car c’est chez M. de Talleyrand que se faisait l’exhibition la plus complète et la plus variée des curiosités de cette époque singulière. En sortant, Fox se rendit à la soirée de Mme Bonaparte, et fut enchanté de sa bonne grâce. Elle aimait les fleurs, et elle avait de belles serres à la Malmaison. Ce fut pour lui une occasion de penser à ses fleurs de Sainte-Anne, et un sujet de conversation tout trouvé, dont il se saisit avec empressement. La soirée d’ailleurs lui parut froide, et le premier consul n’y avait fait qu’une apparition.

Rien n’était plus à la mode, alors qu’une maison de campagne à Clichy, où demeurait une personne d’une beauté célèbre, et qui est parvenue à surpasser le charme de sa personne par le charme de son caractère. Mme Récamier y donna à déjeuner à Fox avec le général Moreau. Fox s’intéressait à tout, sauf à l’art de la guerre. En Flandre, il ne voulait pas regarder les fortifications Il essaya d’entretenir le général de Louis XIV et de son histoire. Le vainqueur de Hohenlinden ne répondit rien, et ne parut pas y entendre grand’-chose. Après déjeuner, il parla de l’armée, il parla bien, et l’on trouva dans son langage plus de liberté que de prudence.

Le 18 septembre, le jour de l’an du calendrier républicain, devait être précédé de cinq jours de fête : c’étaient les cinq jours complémentaires. Il y eut de brillantes réunions. L’exposition de l’industrie nationale s’ouvrit le cinquième jour. Le premier consul y vint ; il y trouva Fox accompagné de ses amis, et le garda près de lui quelque temps. Suivant une anecdote de l’histoire industrielle, la plus grande admiration de Fox fut pour les couteaux à bon marché de Thiers et les montres d’argent de Besançon. Voici une autre anecdote que M. Thiers a jugée digne de l’histoire, et qu’il vaut mieux lui laisser raconter. « Il y avait dans une des salles du Louvre un globe terrestre, fort grand, fort beau, destiné au premier consul et artistement construit. Un des personnages qui suivaient le premier consul, faisant tourner ce globe et posant la main sur l’Angleterre, dit assez, maladroitement que l’Angleterre occupait bien peu de place sur la carte du monde. — Oui, s’écria M. Fox avec vivacité, oui, c’est dans cette île si petite que naissent les Anglais, et c’est dams cette île qu’ils veulent tous mourir ! Mais ajouta-t-il en étendant les bras autour des deux océans et des deux Indes, mais, pendant leur vie, ils remplissent ce globe entier et l’embrassent de leur puissance. — Le premier consul applaudit à cette réponse pleine de fierté et d’à-propos. »

Le 23 septembre, il y eut grand lever aux Tuileries. Fox y parut, et tout se passa comme la première fois. On remarqua que le premier consul ne fut pas plus heureux à reconnaître Erskine, ou plutôt