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c’est-à-dire créée pour multiplier les clubs révolutionnaires, avait tenu des meetings séditieux. Fox voyait bien tout le danger des manifestations démocratiques pour les intérêts mêmes de la liberté, mais il n’en était que plus irrité quand ce danger se réalisait ; c’était lui qui la défendait, quand d’autres l’avaient compromise. Entre l’audace des clubs et la violence du pouvoir exécutif, un plus timide, ou si l’on veut un plus prudent, aurait essayé de se faire honneur d’une innocente et stérile impartialité ; mais il redoutait une lutte directe entre la monarchie et la démocratie. Si la seconde, abandonnée par l’opposition, était trop faible, la première triomphait sous la forme du despotisme. Si la démocratie devenait la plus forte, irritée contre l’opposition, qui l’aurait délaissée, elle ne connaîtrait aucun frein, et se porterait à des excès qui feraient regretter le despotisme. Il se décidait donc pour la conduite qui l’exposait le plus, et il s’encourageait en citant des vers de l’Odyssée.

À l’époque où un bill contre les réunions séditieuses parut menacer le droit d’association, le club whig s’assembla pour protester sous la présidence du duc de Bedford. Fox présida dans Palace-Yard une réunion plus populaire, où l’on vit figurer auprès du duc de Bedford le comte de Derby, lord Lauderdale, lord Robert Spencer, etc. Cet exemple fut suivi dans plusieurs villes importantes. Au parlement, Fox avait prononcé les dernières paroles que dans les luttes extrêmes autorise la liberté légale, déclarant que la question de la résistance avait cessé d’être une question de moralité pour n’être plus qu’une question de prudence. « On peut me dire, ajoutait-il, que ce sont là de violentes paroles, mais aux mesures violentes il faut de violentes paroles. Je ne me soumettrai pas au pouvoir arbitraire tant qu’il me restera une alternative pour défendre ma liberté. » Sommé d’expliquer cette déclaration, il dit que c’était la doctrine qu’il avait apprise, non-seulement de Sidney et de Locke, mais de sir George Savile et du dernier lord Chatham.

Néanmoins le parti révolutionnaire ne s’y trompait pas : il savait bien que c’était pour sa défense et non pour sa victoire que combattaient des hommes tels que Fox. Aux élections générales qui vinrent peu après, Fox rencontra pour compétiteur à Westminster Horne Tooke, qu’un impolitique procès pour haute trahison, terminé par un acquittement, recommandait à l’enthousiasme démocratique. On remarqua même que, devant les électeurs, en plein marché de Covent-Garden, celui-ci fut le plus écouté. Fox eut pourtant 5,160 voix, et Tooke n’en obtint que 2,819.

Cependant Pitt, voyant que la Prusse avait traité avec la république française, que l’Autriche pouvait se décourager et que le général Bonaparte était en Italie, crut à une chance réelle ou apparente