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le voit s’inquiéter de la récolte de ses pommes de terre et de la bonne venue de ses fourrages. Mais, plus que tout le reste, ce qui lui rendait cher le séjour de Saint-Ann’s hill, c’est, avec le commerce de ses amis, celui des lettres. Le soir, après le thé, il lisait en famille les romans de l’époque ; le jour, à la promenade, dans son cabinet, c’étaient les classiques anglais, notamment Spenser et Dryden, et plus encore les grands poètes de l’antiquité Il avait aimé dans sa jeunesse la littérature méridionale, celle de l’Espagne et surtout celle de l’Italie ; il admirait Dante, alors peu lu, et il adorait l’Arioste. Virgile parmi les Latins, Racine parmi les Français, étaient ses auteurs de prédilection ; mais Homère avant tout, puis, après Homère, les tragiques, et après eux, Théocrite, Moschus, Apollonius de Rhodes, le charmaient. À la manière dont il en parle, on doute que rien ait valu pour lui l’étude délicieuse de l’antiquité. Il lisait en admirateur sensible et en critique attentif. Un érudit, Gilbert Wakefield, lui dédia une édition de Lucrèce. Il s’ensuivit entre eux une correspondance qui dura cinq ans, et qui roulait presque tout entière sur des sujets de littérature classique. Elle a été publiée. On ne la peut lire sans être frappé de la supériorité, même en ces matières, de l’homme d’état sur le savant. On l’est encore plus de voir Fox, dans sa correspondance politique avec lord Holland, lord Lauderdale, Grey lui-même, s’interrompre sans cesse pour leur parler de ses lectures, des réflexions qu’elles lui inspirent, et leur confier, avec ses vues sur les affaires, des remarques de style et quelquefois de philologie.

Je voudrais pouvoir citer sa lettre sur les grands poètes, où il compare Homère, Virgile, Dante, le Tasse, l’Arioste, Milton ; celle sur l’Odyssée mise en regard de l’Iliade ; ses réflexions sur Euripide, sur la Phèdre de Racine, sur Horace, sur Pope : ce sont des pages du meilleur cours de littérature.


« Si vous ne lisez pas l’Iliade régulièrement et d’un bout à l’autre, lisez, je vous prie, le Xe livre, ou du moins la première moitié. C’est une partie que je n’ai jamais entendu spécialement louer, mais j’en trouve le commencement plus vrai comme description des souffrances de l’armée des Grecs et de la sollicitude des différens chefs qu’aucune autre portion du poème. C’est une de ces choses dont aucune citation ne peut donner l’idée, mais dont le mérite est au-delà de tout ; c’est la scène exactement mise sous vos yeux, et les caractères aussi sont remarquablement saisis et conservés. Je trouve Homère toujours heureux lorsqu’il parle de Ménélas, notamment, vous savez, dans l’Odyssée ; mais je pense qu’il l’est toujours, et dans ce passage en particulier. Vous voyez que je n’en ai jamais fini avec Homère, et réellement, s’il n’existait rien de plus au monde, avec Virgile et Arioste, on aurait encore et toujours de quoi lire.

« Comment pouvez-vous, vous qui lisez Juvénal, parler de la difficulté de