Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Europe aurait-elle à souhaiter, pour ses bâtimens ? Au point de vue des relations commerciales, la navigation est en contact avec le pays. Pour se relier au Caire, elle a le canal du Mahmoudieh à Alexandrie et les trois grandes artères de Rosette, de Damiette, de Timsah. Le Caire se consolera donc de ne pas voir défiler la mâture des bâtimens européens à la hauteur de ses minarets. Entre Alexandrie et Suez, elle a une série d’escales, Rosette, Damiette, et les trois ports intérieurs des lacs Bourlos, Menzaleh et Timsah, qui sont en communication avec l’intérieur du Delta par des voies navigables. Rien de plus n’est possible, et l’on entrevoit les facilités de séjour, d’approvisionnement et de réparation que ces diverses stations offrent aux bâtimens passant d’une mer dans l’autre. C’est la Basse-Égypte tout entière qui devient un marché, et si Alexandrie et le Caire entrent dans une ère d’accroissemens infaillibles, la plupart des villes du Delta, dont quelques-unes ont eu aussi leurs jours de splendeur, seront comprises dans la répartition de cette prospérité générale.

Le canal fait plus que faciliter l’échange des produits de l’Égypte ; il ajoute à sa puissance de production et à l’étendue de son sol cultivable. En traversant les lacs, il les supprime ; en passant dans les déserts marécageux de la zone maritime du Delta, il les dessèche, et la culture peut compter parmi les terrains qui lui sont rendus : pour les lacs d’Aboukir, d’Edko et les alentours, 75,000 hectares ; pour le lac Bourlos et les environs, 150,000 ; pour la plaine comprise entre les lacs Bourlos et Menzaleh, 80,000 ; pour le lac Menzaleh et les alentours, 140,000 ; pour la plaine de Peluse, 30,000 ; pour l’Ouadi-Toumilat, 25,000 ; total, 500,000 hectares. C’est un beau département de France que le canal donne à l’Égypte. Si, comme M. Linant l’affirme, un hectare cultivé produit 250 fr. par an, l’Égypte est mise à même, moyennant les frais de culture, d’augmenter son revenu annuel de 125 millions. Or ces frais de culture consistent surtout dans les dispositions à prendre pour que l’hectare soit arrosé, et l’irrigation est garantie à ces 500,000 hectares par les travaux mêmes que le canal nécessite ou crée. En effet le canal se relie à tout le système des eaux de la Basse-Égypte pour l’améliorer, le régulariser et le compléter. Accroissemens de l’irrigation et de l’arrosage, assainissement du pays, développemens de la viabilité fluviale, tels sont ses bienfaits, et ce bon aménagement des eaux dans le Delta, en se combinant avec le barrage du Caire et la construction de barrages supérieurs, permet d’affecter une partie des retenues provenant de ces barrages à l’Égypte moyenne sans dommage pour l’Égypte inférieure. Tout se prépare par un premier enchaînement de travaux pour la régénération complète de cette terre dont l’opulence antique était proverbiale. Qu’on y pense, une augmentation de la masse des produits, quelque part que ce soit, diminue pour notre globe les éventualités