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savante. « Le principe de Calvin, avons-nous dit, c’était l’individualisme combiné avec des idées d’oppression. Or quel fut le trait distinctif, caractéristique des guerres de religion chez un peuple aussi loyal, aussi chevaleresque, aussi humain que le peuple de France ? Ce fut... l’assassinat, l’assassinat, qui est la manifestation la plus odieuse, mais la plus logique et la plus directe du sentiment individuel exalté outre mesure et perverti. » La conséquence à tirer de là, c’est que nous autres catholiques nous avons les mains nettes de tout le sang versé dans les guerres de religion, et par exemple, dans la Saint-Barthélémy, ce sont les huguenots qui ont eu le tort de s’assassiner eux-mêmes !

Ainsi, avant que Luther parût, on ne savait ce que c’était qu’un meurtre! Le moyen âge n’avait tendu d’embûches à personne! Les états catholiques d’Italie ne connaissaient ni le poignard ni le poison! Machiavel n’avait parlé de l’usage du fer que sur la foi des huguenots! Son grand code de l’assassinat en matière politique, c’était l’ouvrage de Calvin. Pour de si extraordinaires accusations, nous n’avons qu’une preuve à apporter, une considération métaphysique sur le principe de l’individualité, et c’est sur cette vapeur que nous livrons la cause de tout le monde moderne! pour moi, en lisant ces anathèmes partis d’hommes si sincères, si amis de l’humanité, si avides de l’avenir, je me demande quelle force aveugle nous pousse à accabler dans le passé nos alliés, à réhabiliter nos ennemis. Non contens d’amnistier tous les genres d’oppression, nous faisons, en qualité de révolutionnaires, le procès à toutes les révolutions qui ne sont pas les nôtres; nous les avilissons toutes, ce sont des œuvres d’égoïsme, d’individualisme ; aucune expression de mépris ne nous manque, et nous en inventons de barbares, quand la langue est à bout. La révolution de Hollande n’est qu’un fédéralisme provincial, celle d’Angleterre un fédéralisme communal, celle des États-Unis un fédéralisme totalitaire, qui ne mérite pas qu’on y associe l’idée de nation. Ce beau travail achevé, que restera-t-il à faire à nos ennemis, sinon à nous copier ? Dans ce singulier acharnement à maudire toutes les révolutions hors la nôtre, comment avons-nous pu croire que l’exception où nous nous retranchons ne nous serait pas arrachée par des raisons que nous avons données nous-mêmes ?

Je commence à croire que la vérité nous fait peur, et que nous en détournons volontairement les yeux, car il ne me semble guère possible que le hasard ou la subtilité de l’esprit suffise jusqu’au bout pour nous faire prendre sur les événemens les plus marqués le contre-pied de l’évidence. L’expérience a parlé; nous ne réussirons pas à faire de la cause de Pie V, de Philippe II et de la ligue la cause des novateurs et des révolutionnaires. Il faut nous y résigner. Quand