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un seul jour, tant surtout l’esprit était prêt à tout accepter, par la longue habitude de l’interprétation scolastique!

Ce qui paraîtra, j’imagine, inconcevable à la postérité, c’est qu’après avoir recueilli, dans l’histoire parlementaire, toutes les paroles brûlantes de la révolution française, nous ayons placé ces monumens de l’audace de l’esprit philosophique sous la sauvegarde et la consécration religieuse du fanatisme catholique du moyen âge. Ce qui surprendra plus encore, c’est que la révolution française ainsi tonsurée et cloîtrée soit devenue la règle de foi de presque toute une génération de révolutionnaires. Les décrets du comité de salut public commentés par Torquemada et par Philippe II, nous en avons fait notre Bible et notre bréviaire.

Ceux qui, plus timides, n’osèrent pas revendiquer la Saint-Barthélémy comme un des trophées de la démocratie se retranchèrent dans la ligue. Les sympathies de nos écrivains les plus révolutionnaires ne manquèrent pas de se déclarer pour ce parti. Il fallait montrer que le catholicisme furieux des ligueurs donnait la main aux révolutions de nos jours, toutes accomplies dans un sens opposé. Cela parut facile après la tentative précédente, qui eut l’avantage de faire passer pour modérées les explications les plus extrêmes. On montrait les mouvemens populaires de la ligue, les processions en armes, les révoltes, les barricades; n’était-ce pas là autant de signes de ce qu’on appelle une révolution ? L’idée qui était au fond de ces mouvemens, on l’oubliait; on ne s’arrêtait qu’aux apparences, aux choses extérieures, aux soulèvemens, au bruit du tocsin.

Une nation se replongeait avec fureur dans un passé fanatique; mais ces révoltes contre l’avenir avaient été mêlées de menaces contre l’autorité, et il n’en fallait pas davantage pour que cette horreur dont une nation était saisie contre les innovations passât pour le principe de toute innovation. On voyait un peuple s’agiter dans la rue; sans se demander s’il ne tournait pas le dos à l’avenir, cela suffisait pour que l’on se dît : Là est le chemin des démocraties futures!

Pour achever de dompter l’histoire, qui se révolte ici, il fallait non-seulement réhabiliter l’absolutisme de la ligue, mais faire le procès à l’esprit de la révolution religieuse du XVIe siècle; c’est à quoi nous n’avons pas manqué. Si le protestantisme conservait le caractère novateur qu’on y avait vu jusque-là, nos interprétations tombaient d’elles-mêmes. C’était une nécessité pour nous de démontrer qu’au XVIe siècle le catholicisme que nous avons gardé était le novateur, et que le protestantisme que nous avons rejeté était le principe rétrograde. Nous aurions pu nous contenter d’apporter en preuve que nous avons conservé la première de ces religions et banni la seconde, puisque nous admettons toujours, comme l’axiome et le fondement