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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 février 1855.

Il n’y aurait qu’une manière de caractériser l’état singulier où se trouve l’Europe depuis quelques jours au milieu de la crise émouvante qui s’est ouverte pour elle : c’est une heure d’indécision et d’attente, une espèce d’armistice d’hiver, où l’on pourrait chercher moins des faits éclatans que des symptômes, moins des assurances positives que des indices, mais d’où peut sortir tout à coup le mot qui dessinera toutes les situations. Les opérations de la guerre, comme les négociations de la diplomatie, en allant au même but, semblent avoir le même caractère. La lutte n’est point sans doute interrompue en Crimée ; chaque jour au contraire, ou plutôt chaque nuit, les combats se renouvellent dans nos tranchées devant Sébastopol, et entretiennent l’héroïsme de nos soldats. Ce sont là cependant des conflits partiels, des sorties incessantes des Russes à repousser, plutôt que des opérations réelles et décisives. Les armées alliées ont eu d’ailleurs à combattre un autre ennemi que la Russie : c’est une saison terrible, qui a fait fondre, pour ainsi dire, les bataillons anglais, et contre laquelle nos soldats n’ont pu tenir que par la puissance d’une organisation supérieure. Par le fait donc, depuis deux mois, la guerre transportée en Crimée s’est réduite moins à poursuivre une offensive sérieuse qu’à ne point perdre de terrain, à fortifier nos positions et à attendre le moment d’un suprême effort proportionné à la défense. Là en est encore aujourd’hui cette lutte ingrate.

L’hiver n’influe point certainement au même degré sur le travail diplomatique, et il n’y a pas moins là aussi une sorte de halte après le grand mouvement qui a suivi la signature du traité du 2 décembre. Une transaction provisoire adoptée par la diète de Francfort est venue soulager l’Allemagne de la menace d’une scission redoutable et de l’obligation de se décider immédiatement, d’opter entre les propositions de l’Autriche et celles de la Prusse. Quel est l’état réel des rapports diplomatiques généraux ? Il y a des questions posées entre la Prusse et les puissances occidentales, elles sont encore en