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autorisa le groupe des chemins du nord-ouest sur Caen, Cherbourg et Rennes, les chemins de Bordeaux à Cette, de Dijon à Mulhouse avec embranchement sur Gray et de Saint-Dizier à Gray, les prolongemens d’Asnières à Argenteuil, de Castres sur le chemin de Bordeaux à Cette. Une somme de 66,900,000 fr. fut affectée aux deux rameaux du chemin du Centre au-delà de Vierzon; une autre de 3,500,000 francs, à Tachèvement des travaux entre Orléans et Vierzon; enfin une autre somme de 500,000 francs, à la liquidation des travaux de la ligne de Montpellier à Nimes. Ce n’est pas l’expansion des chemins de fer qui nous paraît avoir été regrettable. Ni le nombre des compagnies, ni l’étendue des lignes n’auraient même été de nature à donner des inquiétudes, si le jeu ne s’était emparé des titres et si les sociétés avaient été constituées dans de réelles conditions de solidité. L’année 1846 n’était pas encore écoulée, que de nombreux embarras surgirent et que l’horizon s’assombrit. On sentit le besoin de s’arrêter. L’année suivante ne compte plus guère dans le bilan des chemins de fer que par quelques crédits pour l’achèvement des travaux mis à la charge de l’état.

La crise qu’éprouvèrent les chemins de fer à la suite des entraînemens de 1845, et que la commotion de 1848 accrut et prolongea, n’était pas la première épreuve de ce genre que traversaient chez nous les nouvelles voies de communication. Jusque-là cependant, les difficultés ressenties avaient été la conséquence de faits étrangers à ces entreprises, et dont elles recevaient seulement le contre-coup. Ainsi, dès l’origine, au lendemain presque des concessions de Saint-Germain et de Versailles, les tiraillemens industriels et financiers de 4837 étaient venus peser lourdement sur le cours des titres émis et rendre plus difficile toute émission nouvelle. Il fallut un long délai, il fallut, pour ainsi dire, toucher du doigt des succès réels pour que la confiance éteinte pût enfin se ranimer; mais alors, comme on l’a vu, la méfiance fut remplacée par l’engouement, et on mit autant d’empressement à engager ses capitaux qu’on avait mis de soin à les tenir en réserve. On ne s’effraya pas même de l’abaissement de la durée des concessions dont le terme descendait parfois jusqu’à vingt-huit années. Que cette fureur de la spéculation exaltant toutes les têtes dût être suivie d’une prompte panique, il était aisé de le prévoir; malheureusement la crise qui éclata fut aggravée par la mauvaise récolte de 1846 : une masse de capitaux furent détournés de leur emploi ordinaire. L’ébranlement fut général, et les plus solides compagnies s’en ressentirent. Le public, qui avait été leurré de l’espoir de bénéficier de tout ce que );)erdraient les compagnies en acceptant des contrats trop onéreux, se trouva, comme il arrive toujours en pareil cas, la première victime des faux calculs; car, outre le retard qu’éprouva l’exécution des chemins de fer, il fallut bien revenir sur les engagemens contractés, et tantôt prolonger la jouissance et réviser les tarifs, tantôt prêter une aide effective aux sociétés pour assurer l’achèvement des travaux. Le désarroi du monde financier amena l’abandon des lignes de Bordeaux à Cette, de Lyon à Avignon, de Fampoux à Hazebrouck, c’est-à-dire de plus de 900 kilomètres de chemins de fer. S’il fut impossible de trouver des concessionnaires pour d’autres lignes autorisées par la loi, c’est à la même cause qu’il faut s’en prendre.

Quoique cruellement atteinte par ces vicissitudes de la spéculation, l’œuvre