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je l’ai dit, la base de tout le reste), apparaît le tissu musculaire, dont la fibre est contractile et cause le mouvement. Enfin avec une troisième forme se montre le tissu nerveux, qui transmet les impressions, communique les volontés aux muscles, établit le consentement et l’association entre toutes les parties, et se concentre en organe de la pensée dans le cerveau. Ce sont là les trois conditions primordiales de la vie telle qu’elle se manifeste dans les végétaux et les animaux, une propriété de nutrition, une propriété de mouvement, une propriété de sensibilité, et, en regard, l’élément végétatif, l’élément musculaire et l’élément nerveux.

Tout le monde sait qu’il y a une chimie organique, c’est-à-dire une chimie qui s’occupe des substances organisées. Il faut bien s’entendre sur ce terme. Si l’on veut dire par là que les phénomènes organiques, en tant que soumis à la loi de composition et de décomposition simultanée, relèvent de la chimie, que les substances qui sont actuellement en proie à ce double mouvement sont des substances chimiques, que les actes par lesquels elles se maintiennent entre la combinaison et la décombinaison continues sont des actes chimiques, on se trompe, et on a une fausse vue aussi bien de la chimie que de la biologie. Il n’y a point de chimie organique en ce sens ; il y a des propriétés supérieures, une constitution moléculaire supérieure qui, tout en dépendant, pour exister, des actes chimiques, n’en est en aucune façon la conséquence, c’est-à-dire que vainement on supposerait une extension quelconque des phénomènes chimiques ; à quelque limite idéale qu’on les portât, ils ne se changeraient jamais en phénomènes vitaux. Si au contraire l’on veut dire que, une fois tirées du corps et privées de vie, c’est-à-dire ne présentant plus le flux moléculaire, les substances organiques, végétales et animales n’offrent plus rien qui ne rentre dans le domaine chimique, on a raison, et en ce sens il y a une chimie organique, pleine de difficulté et d’intérêt. C’est la mort qui les transporte d’un domaine à l’autre ; mais la vie, tant qu’elle a fait sentir son souffle, a créé, justement parce qu’elle est d’un ordre supérieur, des combinaisons d’une complication supérieure aussi et dépassant à cet égard tout ce qui se voit ailleurs. Elle a donc élaboré d’avance un champ tout prêt pour la chimie, un champ qui la force à se replier sur elle-même et à tenter toutes sortes de voies pour conduire ses théories à travers ce dédale. Ainsi se fait le partage entre la chimie et la biologie : la substance organique morte appartient à la première ; la substance organique vivante appartient à la seconde.