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dans l’histoire des sciences) comment la biologie est subordonnée à la chimie, comment il était indispensable que celle-ci se développât pour que celle-là prit de la consistance. On a sous les yeux tout le travail de la nutrition, tous les phénomènes qui dépendent de l’introduction des médicamens et des poisons, et l’on y voit régulièrement prévaloir les lois chimiques : elles commandent dans le domaine qui leur est laissé, domaine subalterne, il est vrai, puisqu’une condition supérieure, celle du double mouvement, les domine elles-mêmes, mais qui n’en est pas moins fondamental et tel que, sans lui, le reste ne peut plus se concevoir. C’est là une grande part, mais ce n’est qu’une part. Les faits biologiques doivent d’abord satisfaire aux lois chimiques ; à cela est tenue toute bonne interprétation, mais la réciproque n’est pas vraie, et le fait chimique ne satisfait pas aux lois biologiques, manquant de ce quelque chose qui est le caractère de la vie.

Ce quelque chose est la mobilité du composé vivant, l’instabilité des molécules qui le forment. Là, la fixité est absente, et quand, d’une manière relative du moins, elle commence à s’établir, c’est que l’énergie vitale diminue, la vieillesse s’achemine, et bientôt, la moindre circonstance venant à contrarier un mouvement qui de lui-même tend à s’arrêter, la mort survient. À peine est-elle survenue, que la chimie, délivrée du contrôle, rentre dans tous ses droits, dissocie les élémens suivant les combinaisons stables qui lui sont propres, et rend au fonds commun les matériaux qui avaient été prêtés pour un moment à l’individu. Au contraire, quand la fixité est à son moindre degré, quand la combinaison et la décombinaison sont livrées à un flux rapide, alors l’être vivant, dans la plénitude de son essor, passe de l’état de graine ou d’ovule, où il est à peine perceptible, à celui où, devenu chêne, éléphant, baleine, homme, il n’a plus qu’à s’accroître et à vieillir. Les parties les plus dures participent, seulement avec plus de lenteur, à l’incessante rénovation des particules matérielles, et l’on peut, à l’aide d’alimens appropriés qui laissent sur les os une trace colorée, suivre pas à pas dans ces organes, qui semblent si immobiles, le flux et le reflux. Rien, dans le corps. n’est ni longtemps liquide, ni longtemps solide ; les liquides se solidifient et vont, suivant la place, se transformer en os, en muscles, en nerfs ; les solides se fluidifient, et de chaque os, de chaque muscle, de chaque nerf sortent des particules qui vont former le sang veineux. De l’arsenic a-t-il été avalé, si le patient résiste aux accidens qui ne manquent pas de survenir, on verra bientôt, à mesure que la guérison fera des progrès, la substance vénéneuse sortir chaque jour peu à peu des organes où elle s’était fixée : le mouvement d’assimilation, agissant ici en aveugle et devenu funeste, avait porté le poison jusque