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sous cette balance. Il faut donc alors remettre des poids du côté du diamant immergé pour rappeler l’équilibre. Ainsi un diamant qui pèserait 21 centigrammes perdrait dans l’eau environ 6 centigrammes. Un saphir blanc du même poids ne perdrait qu’un quart de son poids dans l’eau, c’est-à-dire environ 5 centigrammes. Un morceau de cristal de roche dans le même cas perdrait 8 centigrammes. Ainsi, dès que la perte dans l’eau pour un cristal quelconque s’éloigne des deux septièmes du poids de la pierre, on peut assurer que ce n’est pas un diamant. Nous verrons tout à l’heure comment le diamant se distingue de la topaze blanche, qui, comme lui, perd dans l’eau les deux septièmes de son poids.

Les opérations chimiques étant en général trop difficiles à faire et occasionnant la destruction de la substance que l’on y soumet, nous ne dirons rien de ces procédés, et nous indiquerons un caractère optique fort délicat, qui trace tout de suite une ligne de démarcation entre le diamant et toutes les gemmes sans couleur. Il s’agit de la double réfraction. Ce mot signifie qu’en regardant au travers d’une pierre transparente un objet délié, comme la pointe d’une aiguille ou un petit trou percé dans une carte, on voit quelquefois l’objet double, comme si on eût tenu à la main deux aiguilles au lieu d’une, ou bien que l’on eût percé deux petits trous à côté l’un de l’autre. Or c’est ce que l’on observe avec toutes les gemmes blanches ou incolores, et jamais avec le diamant. Ce caractère exclut donc immédiatement du rang des diamans toute pierre qui double ainsi les objets. Comme il est besoin d’un peu de dextérité et d’exercice pour bien montrer cette curieuse propriété, on pourra fixer la pierre et l’aiguille sur un léger support avec de la cire à modeler, et montrer commodément l’effet aux intéressés. M. Haüy a souvent eu à donner des consultations de ce genre, et il a été aussi appelé quelquefois comme expert judiciaire dans des cas de vente frauduleuse. La topaze blanche du Brésil ou goutte d’eau double les objets, et sa double réfraction la fait reconnaître tout de suite pour un diamant faux. J’ai toujours conservé un pénible souvenir de la visite d’un Anglais de distinction amené chez moi par un cicérone des plus brillans hôtels de Paris. Ce voyageur avait dans un petit écrin une magnifique goutte d’eau, qui eût été un diamant d’un immense prix. Il me fut facile, d’après la taille de la pierre, d’y reconnaître le doublement de l’aiguille vue au travers; mais je ne pus le faire observer au propriétaire de la pierre avant d’avoir fixé l’aiguille et la topaze sur une petite règle de bois avec de la cire verte, tant ses mains tremblaient convulsivement. Au moment où il aperçut l’aiguille doublée, sa vue se troubla complètement, car je lui avais d’avance expliqué la portée de ce caractère optique que le diamant ne possède jamais. Le cicérone, qui