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Le comte Rosen devait, selon ses instructions secrètes, essayer d’obtenir les bons offices de Napoléon auprès du tsar en promettant l’élection du duc d’Oldenbourg, beau-frère du tsar, comme prince héréditaire; le gouvernement suédois s’était flatté que, grâce à cette concession, bien dangereuse en elle-même pour l’avenir, il pourrait obtenir la restitution de la Finlande. Napoléon n’en tint cependant nul compte dans ses entretiens avec le comte Rosen. Il ne s’agissait plus en réalité de savoir si la Suède recouvrerait la Finlande, ou si la réunion de la Norvège, comme elle le demandait au moins, lui deviendrait une compensation suffisante : il fallait décider si la Suède avait encore à vivre, et si l’anarchie intérieure n’allait pas favoriser l’ambition de la Russie au moment où la France était peu disposée à l’arrêter. «On est bien inquiet chez vous, dit Napoléon au major suédois Arfvedsson, qui lui fut envoyé à Vienne vers le même temps. L’état d’anarchie perpétuelle dans lequel vous vous trouvez est une conséquence des haines réciproques de vos chefs militaires et de leur ambition. Prenez garde à une rechute ! Cette confusion ne profiterait qu’à vos ennemis... Je ne veux pas votre perte... Je souhaite que vous rétablissiez l’ordre chez vous, et que vous vous donniez un gouvernement régulier avec lequel je puisse m’entendre. Assurez le duc-régent de mon amitié. J’estime son caractère personnel et ses principes politiques; mais a-t-il les mains assez libres pour rétablir vos affaires ? »

L’empereur ne s’était pas avancé davantage dans la lettre qu’il avait écrite au duc-régent aussitôt après la révolution[1], et dans une lettre datée de Donauwerth[2], il lui disait : « L’empereur Alexandre est magnanime et grand. Que votre altesse royale se tourne vers lui! » Il n’en est pas moins vrai (les lettres du ministre russe Romanzof, en partie publiées dans les mémoires suédois que nous avons cités, l’attestent) que la Russie ne songeait en ce moment même qu’à profiter de l’anarchie suédoise pour la perpétuer en faisant rétablir cette même constitution de 1720, renversée naguère par Gustave III; une lettre de Romanzof au comte Schwerin, du 21 avril 1809, en témoigne formellement. La Suède dut se trouver satisfaite de pouvoir librement élire son nouveau roi Charles XIII, de pouvoir lui confier le libre choix de son successeur, et de se donner enfin la constitution qui la régit encore aujourd’hui; mais elle ne recouvra pas les possessions qu’elle avait perdues, et ne parvint pas alors à se faire donner en compensation la Norvège.

La paix de Frederikshamn, signée le 17 septembre de la même

  1. Paris, 12 avril 1809.
  2. 18 avril.