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au moins l’honneur de l’armée suédoise. Quelques-uns d’entre eux firent appel aux volontaires finlandais et tinrent la campagne en véritables partisans. Les Russes opposèrent à ces courageux patriotes quelques hommes d’activité et de résolution, comme ce Davydof, que sa valeur fit surnommer plus tard, en 1812, le Réveil-Matin de l’armée française; mais leurs mouvemens furent gênés et quelquefois même leurs armées mises en péril par ces attaques imprévues et sans cesse renouvelées.

Cette poignée de braves. Suédois et Finlandais, réunis par l’affection pour une patrie commune, a seule répandu quelque gloire sur les tristes souvenirs de 1808 et 1809, et cette gloire a trouvé un généreux écho dans les poésies de Runeberg. Sa muse populaire a gravé en traits impérissables dans la mémoire des Finlandais et des Suédois les figures de ces hommes énergiques et dévoués, dont le seul vœu était d’atténuer par leur sacrifice volontaire la honte qu’un gouvernement sans cœur appelait sur leur pays. On a pu lire ici même le portrait que Runeberg a tracé de l’héroïque Döbeln[1]; mais les Suédois répètent encore celui de l’intrépide Otto von Fieandt, qui, la cravache à la main, commandait pendant seize heures au feu son bataillon de douze cents braves, dormait trois heures et recommençait sans mot dire, puis celui du délicat et courageux Sandels, qui donnait à ses plaisirs toutes les heures que lui laissait la guerre, et qui s’arrachait de sa table pour aller se poster inébranlable au milieu du champ de bataille, immobile entre les balles, tête, cœur et rempart de son armée. Ces récits de Runeberg, petits poèmes issus, comme la bravoure de ses héros, du sentiment patriotique, sont l’épopée nationale de la Finlande moderne, comme le Kalevala est celle de l’ancienne et primitive Finlande.

Il ne s’agissait plus, nous l’avons dit, que d’éviter toute la honte d’une défaite entière et incontestée, et non de songer à conserver la Finlande. En vain Sandels fit-il aux Russes, en se retirant, de sanglans adieux; en vain Döbeln cherchait-il, avec son habileté ordinaire, à défendre les îles Aland : un rude hiver favorisa les entreprises de l’ennemi, qui envahit même la péninsule Scandinave et menaça Stockholm. La journée du 13 mars 1809, qui renversa le roi Gustave IV, parut être le châtiment et l’aveu tout à la fois des fautes commises par le gouvernement suédois. Pendant la période d’anarchie intérieure qui mit le comble à la misère de la Suède, depuis la journée du 13 mars jusqu’à la proclamation définitive de Charles XIII (6 juin de la même année), la Suède s’épuisa en vains efforts pour obtenir de l’empereur des Français son pardon et la

  1. Voyez la livraison du 1er septembre 1854.