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refus d’accepter de pareils engagemens. La Russie a pu voir que, de ce côté-là, elle ne pouvait compter que sur quelques sympathies individuelles, impuissantes en présence d’une opinion publique ardente et convaincue. On a dit que les gouvernemens du Nord, peu de temps après avoir proclamé leur neutralité, avaient voulu en élargir la base, afin d’en augmenter les forces, par l’annexion des autres états résolus à suivre la même ligne de conduite; mais ces gouvernemens ont dû s’apercevoir bientôt de l’inutilité d’une telle entreprise. Si la guerre était destinée à se prolonger, il devenait évident que l’Europe tout entière était saisie de la querelle, et chacun des états qui la composent se trouvait mis en demeure de se décider ouvertement pour l’une des puissances belligérantes. Nul ne pense en effet, soit dans le Nord, soit en Russie ou chez nous, qu’en l’absence d’une paix prochaine, la neutralité de la Suède et du Danemark puisse durer. Indubitablement alors, la Baltique deviendra le théâtre d’une nouvelle campagne maritime, bien autrement importante que celle de l’été dernier.

Forte des garanties et des subsides que le puissant doit au faible dont le concours lui est utile pour une œuvre profitable à tous, la Suède se verra peut-être appelée à seconder, comme elle peut aisément le faire, par une armée auxiliaire de cinquante mille hommes, une descente en Finlande. Elle pourra le faire hardiment, car il s’agira bien évidemment alors, si les négociations diplomatiques n’amènent un prochain, résultat, d’une guerre européenne contre la Russie, et non plus seulement de la cause de la France et de l’Angleterre. Elle devra s’y prêter avec de hautes espérances, car il ne tiendra plus qu’à elle de se préparer ou simplement d’accepter tout un avenir de sécurité ou même de grandeur. Trop pauvre et encore enveloppée dans les langes de ses institutions surannées, la Suède n’attend, pour donner tout leur essor à ses richesses naturelles et à son esprit public, que d’heureuses circonstances, comme serait l’affaiblissement de la domination exclusive que la Russie prétend exercer sur la Baltique et dans tout le Nord, comme seraient surtout un rapprochement politique et moral, des rapports en tout plus intimes avec l’Allemagne et l’Occident. Le contact ou le seul voisinage de la Russie est plus dangereux qu’on ne le saurait dire; il est comme l’ombre d’un arbre immense dont l’épais feuillage arrête la lumière. La Suède ne manque pas d’hommes éminens; mais il est bien visible que ses plus utiles citoyens sont ceux qui ont appris à connaître l’Europe occidentale, soit par de fréquens voyages, soit par d’activés correspondances. Des sympathies nombreuses font souhaiter aux nations septentrionales cet accord avec la France et l’Angleterre, et les circonstances, il faut le dire, paraissent toutes s’y incliner. La Suède,