Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on voit dans la campagne de Rome, et qui sont garnis d’un taillis sauvage toutes les fois qu’on ne les a pas dépouillés de leur végétation native. Telle était la rude physionomie de ce sol si bien fait pour l’âpreté du génie romain.

Outre l’aspect primitif des sept collines, — il y en a huit en comprenant le Janicule, — aspect qu’il importe d’avoir devant les yeux pour se transporter en imagination au sein des origines de Rome, les noms de ces collines nous enseignent quelque chose de leur histoire; ils nous apprennent quelles populations y avaient eu ou y avaient encore des établissemens à l’époque de la fondation de Rome.

L’Aventin doit avoir été habité par des Albains, car la tradition dérive son nom d’un roi d’Albe nommé Aventinus. Le Janicule, situé sur la rive droite du fleuve et par conséquent en pays étrusque, a dû être occupé cependant par une population latine, car le dieu Janus, qui lui donna son nom, était un dieu latin. On peut en dire autant du mont qui, avant de s’appeler Capitolin, s’était appelé Saturnien, Saturne étant par excellence le dieu des tribus latines. Suivant la tradition, Janus et Saturne s’étaient partagé amicalement les deux côtés du fleuve, l’un occupant le Janicule, l’autre le Capitole. Cette tradition semble indiquer sur l’une et sur l’autre collines deux petits établissemens latins vivant en bonne intelligence, et alliés pour se maintenir contre les Étrusques. Le Quirinal Porte encore aujourd’hui le nom national des Sabins (Quirites). L’histoire y montre en effet les Sabins menaçant et, comme nous le verrons tout à l’heure, assujettissant les Romains. Quant au Palatin, on admet en général qu’il a reçu de la colonie arcadienne d’Évandre le nom d’une ville d’Arcadie, Palantium[1]. On disait mont Palatin, comme on a fait de Capitole mont Capitolin. La destinée de ce mot Palatium a été singulière, et contient pour ainsi dire l’histoire de tout le développement de la civilisation romaine. La colline occupée d’abord par des pâtres arcadiens fut couverte avec le temps par les demeures des Romains opulens, qu’on appela , palatia, et enfin par l’habitation des césars, laquelle, pour cette raison, s’appela Palatium. Nous en avons fait le mot palais, et, chose curieuse, dans presque toutes les langues de l’Europe, le terme qui désigne un séjour royal provient du nom primitif donné à la colline d’Évandre, au temps où l’on n’y voyait encore que des cabanes de bergers.

Le nom du Palatin conserve donc le souvenir traditionnel de l’immigration antique d’une colonie arcadienne. Les Arcadiens

  1. Les Arcadiens seraient les dignes aïeux des Romains, — dur peuple de montagnards auxquels leurs législateurs, pour adoucir leurs mœurs, faisaient apprendre la musique jusqu’à l’âge de trente ans.