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diminué cette hauteur, et malgré les éboulemens qui ont rendu l’escarpement moins abrupt, en cherchant bien, on trouve encore moyen en certains endroits d’admirer l’agilité des Gaulois et de comprendre le supplice de Manlius.

A l’époque de la splendeur de Rome, plusieurs de ces collines, l’Esquilin, le Cœlius, l’Aventin, n’offraient peut-être pas un aspect très différent de celui qu’elles présentent de nos jours. Elles étaient alors couvertes de jardins, parmi lesquels s’élevaient un grand nombre de temples, comme elles sont aujourd’hui presque entièrement occupées par des villas et des églises. Mais nous n’en sommes pas encore à l’âge de la splendeur romaine, nous sommes à la veille de la naissance de Rome, et il faut nous représenter ce qu’étaient alors les collines que Rome devait occuper un jour. Les noms de ces collines peuvent nous y aider, car leurs noms sont des monumens de leur histoire.

L’Esquilin était primitivement boisé. Un de ses sommets portait un bois de hêtre, d’où lui venait le nom de Fagutal, qui peut se traduire par la faye, dont le diminutif est la fayette. Le Cœlius, avant de porter ce nom, qui, nous le verrons, contient le souvenir d’un fait historique important, s’appelait Querquetulana, ce qui veut dire la colline des chênes, — la chesnaye, — comme le Viminal était la colline des osiers, l’oseraie. La tradition plaçait des chênes verts sur l’Aventin. Ovide en décrit les noirs ombrages :

…….. Locus niger ilicis umbrà.


De plus, nous savons qu’au temps de Tite-Live il existait, sur le Palatin, des sources abondantes, ce qui en faisait un lieu de pâturage. Le lieu où fut depuis le Forum était un fond marécageux dans lequel s’élevait à l’origine un petit bois, abattu, dit-on, par Romulus et Tatius. Partout à l’entour croissaient des saules, arbre qui se plaît au voisinage des lieux inondés. On y voyait aussi ces grands roseaux si fréquens dans tous les endroits humides de la campagne de Rome.

Nil prœter salices canaque canna fuit[1].

Il y avait des figuiers au pied du Palatin; c’est ce que prouve le figuier ruminai sous lequel on prétendait que Romulus avait été allaité par la louve, et qui subsista cinq cents ans près des comices. Toutes les collines étaient couvertes de bois d’espèces diverses et hérissées de broussailles, horrentia dumis, dit Virgile. On peut juger qu’il a dit vrai, car ces monticules devaient ressembler à ceux

  1. Ovide.