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Si l’on excepte le Janicule, toutes les collines de Rome ont dû être le siège de phénomènes volcaniques. L’aventure d’Hercule et de Cacus sur le mont Aventin est une allusion évidente à ces anciens désastres. Dans le flanc du mont Aventin, le premier cicérone venu vous montrera l’antre de Cacus, et il ne tiendra qu’à vous de le croire. Sans être aussi dévot aux mythes païens, on peut remarquer que cette désignation d’une caverne de l’Aventin par le nom d’antre de Cacus n’est pas une docte imagination des érudits de la renaissance, mais repose sur une tradition qui remonte au IVe siècle et qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours ; car dans un lieu voisin, où était le marché aux bœufs des anciens Romains, on trouve à toutes les époques un lieu appelé tantôt antre, tantôt maison, palais de Cacus (atrium Cad), selon qu’on tenait ce personnage pour un brigand ou pour un seigneur, deux conditions qu’à Rome surtout il était permis de confondre au moyen âge.

Dans l’hypothèse d’une allusion à des effets volcaniques, tous les détails du récit merveilleux reproduit par Virgile s’expliquent parfaitement. Hercule poursuit Cacus dans son antre de l’Aventin, et malgré les feux souterrains et les torrens de fumée dont le fugitif s’environne, le demi-dieu l’arrache du sein de la montagne et l’étouffe dans ses bras. Comment ne pas voir dans cette fable un souvenir des phénomènes physiques qui ont dû se produire en ce lieu ? Ce qui le confirme encore, c’est qu’il y eut près de là un autel à Neptune qui ébranle la terre, et qu’on y éleva plus tard un temple à une divinité singulière, la Fumée. La lutte de ce Cacus et d’Hercule est l’expression poétique de ces phénomènes chez Virgile, de même que chez Pindare, le géant Typhée, écrasé par l’Etna et lançant vers le ciel des torrens de feux et des colonnes de fumée, figure les éruptions du volcan de Sicile. L’antiquité aimait à tout personnifier : la géologie, comme les autres sciences, se transformait en poésie.

Cette tradition si longtemps conservée de Cacus mis à mort par Hercule pour avoir dérobé ses bœufs contient une autre indication importante ; elle fait voir que Rome fut pastorale dès son berceau et même avant son berceau. Vingt passages des auteurs anciens lui attribuent ce caractère. On célébrait la fondation de cette cité de pâtres le 21 avril, jour de la fête de Palès, divinité protectrice des troupeaux, et c’est ce jour-là que les antiquaires de Rome se réunissent pour célébrer cet événement encore national. l’on croit voir les pelliti paires de Properce, ces sénateurs primitifs vêtus de peaux de bêtes, quand on voit dans la rue Montanara les paysans romains hérissés de leurs peaux de mouton. L’aspect pastoral de Rome est frappant même aujourd’hui : des chèvres broutent l’herbe qui pousse entre les pavés des rues, des vaches paissent sur le chemin qui va de