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hôtes de la maison exigeaient du silence, de la solitude et de la discrétion.

Pendant que tous ces incidens se passaient, la belle saison était venue, et Canot vit arriver un ambassadeur d’Ahmah de Bellah, qui venait lui rappeler sa promesse de visiter les états de son père. Canot partit sans délai pour ce voyage dans l’intérieur de la Sénégambie. Un beau voyage certes, mais plein de périls ! Des pionniers, la hache et le fusil en main, marchaient devant les voyageurs pour leur ouvrir le chemin à travers les monstrueuses ronces et les énormes bruyères de cette terre trop féconde, et les avertir du voisinage des nids de reptiles et des gigantesques fourmilières. Notre héros cependant ne tarda pas à être familiarisé avec tous ces périls, et ce fut en chantant et en plaisantant avec son compagnon de route qu’il arriva à Kya, la capitale du chef mandingue. Ibrahim-Ali, mahométan rigide, qui était occupé à faire ses dévotions lors de l’arrivée des voyageurs. Ibrahim reçut avec courtoisie Canot, qui déclare avoir mangé chez lui un des meilleurs dîners qu’il ait jamais faits en Afrique, où il en fit souvent de fort étranges, composés de côtelettes d’alligator ou de singe rôti. À la fin du dîner, d’où le vin, selon les recommandations du Koran, avait été sévèrement exclu, Canot voulut se donner le plaisir d’enivrer ses hôtes, et exhiba une bouteille d’eau-de-vie, qui fut suivie de plusieurs autres. Toute la société fut bientôt sous l’influence de la liqueur chérie des Africains, et se réveilla le lendemain en proie aux remords, aux coliques et aux maux de tête, Canot aussi bien que ses hôtes, qui lui prescrivirent pour remède d’avaler un vase d’eau dans lequel on avait mis infuser un verset du Koran.

La caravane reprit sa route à travers les déserts et les forêts. Chemin faisant, les voyageurs s’emparèrent de quelques esclaves fugitifs, qui les supplièrent de ne pas les rendre à leur maître et de leur sauver la vie. Ils y consentirent, en firent leur propriété, et trouvèrent ainsi le moyen de concilier l’humanité avec leur propre intérêt. Ils eurent aussi à combattre contre le chef d’un village mandingue, insolent parvenu qui, s’étant permis d’insulter le chef foullah qui accompagnait Canot dans l’intérieur et de refuser obéissance à son supérieur mandingue, qui faisait également partie de l’escorte, fut condamné séance tenante à recevoir cinquante coups de fouet et à voir ses établissemens démolis, avec défense de les rebâtir. Après quelques aventures du même ordre, ils arrivèrent à Tamisso, la capitale du roi Mohamedoo. Les voyageurs firent prévenir le souverain, qui s’empressa d’envoyer à leur rencontre son propre fils avec une douzaine de femmes chargées de friandises nègres. Ils entrèrent