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l’acide se sépare de la base : l’un se rend au pôle positif et l’autre au polo négatif de la pile. On explique le phénomène en disant que le courant a combattu l’affinité, a séparé les deux corps unis, et a dirigé chacun d’eux vers le pôle qui attire le fluide dont il est chargé. Ainsi l’on retrouve dans les corps composés les propriétés des deux corps qui leur ont donné naissance, et chacun de ces corps se sépare de l’autre, lorsque la combinaison est soumise à un courant électrique ; donc chacun des deux corps composans existait dans la combinaison. C’est sur ces deux genres de preuves, que nous ne pouvons qu’indiquer ici, les décompositions par la pile ou par les réactifs, que repose la doctrine qui considère toute substance comme une combinaison binaire, et qui croit retrouver dans chaque atome de cette substance les deux corps combinés.

Pour repousser cette théorie, on peut d’abord contester la valeur probante des décompositions qui semblent lui donner raison. Lorsque deux corps ayant de l’action l’un sur l’autre sont en présence, leurs atomes se mettent en mouvement, et peuvent se grouper d’une façon très différente de celle qu’ils avaient à l’état de repos. Il n’est pas logique de conclure, du groupement que nous montrent les réactions, à la constitution primitive, et M. Laurent compare les chimistes qui s’appuient sur ce genre de preuves à un joueur d’échecs qui, voulant connaître de quelle manière les différentes pièces sont disposées sur un casier dans un moment donné, commencerait par les mêler, puis les séparerait en deux groupes, et chercherait ensuite par l’examen de ces groupes à déterminer quel était l’arrangement primitif. La même objection a été faite contre les décompositions opérées par la pile, on peut même dire de plus qu’il est fort rare que l’électricité sépare dans un sel la base de l’acide. Son action n’est presque jamais aussi simple qu’une aveugle routine nous le fait croire, et elle varie singulièrement suivant l’intensité du courant électrique, la nature du sel et du dissolvant. Enfin il n’y a peut-être pas un sel sur mille que l’on puisse obtenir par la combinaison directe de l’acide et de la base, et qui ne soit facilement décomposable en deux ou trois corps différens de cet acide et de cette base.

Si même le dualisme était admis pour la chimie minérale, il serait impuissant à expliquer les réactions d’une autre espèce de chimie que l’on distingue sous le nom de chimie organique, et qui doit à MM. Dumas, Liebig, Berzélius, ses plus éclatans progrès. La chimie organique s’occupe des substances que renferment les corps organisés, tandis que l’autre chimie étudie les minéraux ; mais de cette diversité d’origine et de sujet il ne faut pas conclure à une diversité de principes. Au point de vue du naturaliste, le règne minéral se distingue assez bien du règne végétal : il y a entre eux la distance de la vie à la mort. Pour le chimiste, qui ne s’occupe